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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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les croisades !
    Elle eût pu s’ébaudir de cette allusion au mouvement qui l’avait libérée. Il n’en fut rien. Il pressentit des atermoiements ; peut-être, finalement, un refus assorti de vastes commentaires. Cependant, elle fit un petit pas. Involontaire ou pour qu’il se recollât contre elle ? Derechef, elle se laissa déclore et lui livra son mystère. Point de soupir d’aise : elle feignait d’être indifférente et lendore. Il la sentit frémir, gagnée par une sorte de résignation dont il s’inquiéta.
    – Pas maintenant, dit-elle. Ote tes mains… Elles sont rudes.
    Était-ce une prudence extrême qui lui dictait ces propos ? S’enhardissant encore, Tristan reprit ses chattements et trouva ce qu’il souhaitait : cette douceur de fleur, cette tiédeur de brèche tendre, lézarde émouvante d’où affleurait un grain de chair tendre et melliflue.
    – Ogier t’a-t-il parlé de mes goûts ?
    Il eût aimé la tourner vers lui, plonger avant toute chose son regard dans le sien, or, il pressentait une résistance serrée, humiliante.
    – Il me parlait de vous… De vos goûts pour les vêtements d’homme. De votre aisance à porter l’armure de fer… Il disait que vous étiez une espèce d’archange.
    – Ah ? On prétend que les anges et les archanges n’ont pas de sexe. Qu’en pensez-vous, messire ?
    Elle devait sourire. Elle ajouta, volontairement équivoque :
    – Il est bon que nous parolions ainsi afin que vous sussiez ce que je veux… ou ce que j’aime.
    – Hum ! fit-il d’un ton qui pouvait passer pour dubitatif. Avant que de commencer, il serait bon que je susse si vous avez clos votre porte d’entrée. Celle qui est en chêne, derrière nous… Il y a deux femmes dans la cour. Oyez leurs voix.
    – Que crains-tu ? Leur intrusion ? Bien que Sappho soit leur patronne, elles te trouveraient sûrement à leur goût.
    Elle commençait à l’agacer. Elle voulait et ne voulait point. Il la sentait dévorée d’envies contraires. Allait-elle enfin se tourner pour s’abattre contre lui ?
    – Je me suis entretenue avec Jeanne… Elle conserve de tout ce que tu fis au châtelet de Cobham une remembrance détestable. Elle se réjouit de te voir aux joutes et au pas d’armes… J’aurais voulu pouvoir t’éviter ces épreuves. Jeanne a parfois des humeurs de haquenée en chaleur.
    – L’as-tu déjà débridée, dessellée ?
    Tristan n’alla pas plus avant. Comme sa proie se refusait à répondre, il murmura contre son oreille :
    – À son regard, au tremblement de ses lèvres lorsqu’elle s’entretenait avec toi…
    Il laissa volontairement un vide puisque s’entretenir avait une autre signification : s’entre-tenir, puis il reprit :
    – J’ai deviné que son amitié dépassait l’entendement. Je la trouve avenante, bien joliée, mais la devine perverse.
    – Aimes-tu ton épouse ?
    Il ne fut pas dupe : Tancrède lui assenait cette question pour interrompre des allusions qui commençaient à lui déplaire. Il fut tenté de hausser le ton, de gronder même, afin de s’en persuader : « J’aime Luciane », mais cette affirmation, en l’occurrence, lui eût paru aussi pernicieuse que dérisoire. Et pourtant, les yeux soudain dessillés par cette beauté ténébreuse, il découvrait chagriné, qu’il tenait à sa femme.
    – Je ne connaîtrai jamais cette fille de mon cousin à la mode de Bretagne. De toute façon, elle est loin… si loin que ce que tu t’apprêtes à commettre ne pourra être un adultère… Ne crains pas ces deux suppliantes, en bas. J’ai reconnu leurs voix. Elles vont m’attendre, assises sur le banc que tu as dû voir, sans doute. Ensuite, elles partiront… Mais il faut que je te l’avoue : je me dis que nous avons été bien empressés l’un envers l’autre. Je ne sais ce qui m’a pris d’avoir moult envie de toi.
    – Je pourrais t’en dire autant.
    Allait-elle lui faire face ? Craignait-elle de se soumettre plus qu’elle ne l’avait souhaité ? Malgré le charme qu’elle dégageait, Tristan ne se taisait guère d’illusions, maintenant, sur la nature des intentions qui les avaient conduits dans cette chambre : un éphémère accès de lubricité, une espérance de plaisir où les sentiments n’intervenaient point. Un besoin avide de se connaître et de s’estimer en fonction de la réciprocité de leurs ardeurs. Pas de cœur, là-dedans. Jamais il n’exercerait sur Tancrède le plus

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