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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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besoin.
    –  Un homme ! s’étrangla la nommée Ethelinde.
    – Oui. Et point vaunéant 83 .
    Tristan reçut un baiser bref sur la bouche.
    – Sais-tu ? Pour mes beaux yeux, ces deux sœurs commettraient l’une ou l’autre un soricide… Eh ! Oui : elles s’entre-tueraient.
    Puis, à haute voix :
    – Holà ! Mes toutes belles : il coaille 84  !
    Et dans un murmure, à l’intention de Tristan dégrisé :
    – Elles vont se lasser.
    Et lui donc ! Tout lui paraissait froid : non seulement cette femme d’une sérénité soudaine et comme définitive, mais aussi ce logis, sa chair, son sang.
    – Elles vont rester devant l’huis jusqu’à ce que la fureur les prenne, puis elles iront se consoler chez l’une ou l’autre.
    –  Ouvre ! hurla une voix singulièrement forte. Inattendue.
    – Celle-là, c’est Blanche de Passac.
    Tancrède se leva, nue et lisse, brandon de chair délicieuse qui flamba dans une ombre où il était impossible de se repaître de ses rondeurs, de ses vallons, de ses entailles. Elle ne craignait plus de se montrer dans une simplicité qui convenait à sa personne. Il semblait qu’elle voulût régner de loin, par son invisible nudité, sur ces trois louves qui, bien qu’elle ne fût point seule, attendaient qu’elle les accueillît pour quelque solennité impure.
    – Guy de Passac est mort lors des joutes de Chauvigny, aux Pâques de 46… Voici donc vingt ans.
    Cette affirmation suscita l’émoi que Tristan avait prévu.
    – Comment sais-tu cela ? Ce trépas nous a fait, à Blanche et moi, une peine monstrueuse…
    – Passac était pour les Goddons.
    – Comment le sais-tu ?
    Encore une question avide. « Non », décida Tristan, « je ne lui dirai pas que c’est Ogier d’Argouges qui a meurtri ce félon. » Il prit une voix compassée :
    – Ce sont des choses qu’on se dit de joute en joute, de tournoi en tournoi. La renommée de Passac a chu avec lui sur l’herbe du champ clos.
    Comme ils étaient loin, maintenant, des jeux qu’ils avaient entamés ! Sans la moindre envie d’y goûter encore, Tristan caressait du regard les renflements petits et grands sur lesquels il avait appuyé ses lèvres.
    – Elles vont s’en aller. Patiente.
    – La patience n’est point mon lot.
    Non, vraiment, il ne subsistait rien de sa ferveur première. Il ne ressentait qu’un ennui profond dans son esprit et ses entrailles vides des palpitations du désir. L’irruption des trois invisibles ménades l’avait désappointé. Plus le temps coulait, plus il souhaitait partir. Or, il ne le pouvait. Outre que Tancrède se serait opposée à ce qui eût équivalu à une trahison, ces femmes ne devaient point voir son visage. Il ne pouvait aggraver sa déconvenue par une compromission dont sa compagne eût fait les frais.
    Il feignit de somnoler, surveillant entre ses paupières mi-closes cette divinité qu’Ogier d’Argouges avait dû convoiter peut-être maladivement, sinon avec ferveur et constance. Si les trois idolâtres du dehors étaient entrées toutes nues, elles aussi, elle les eût dominées sans bouger, belle et fière « comme un lis parmi des épines 85  ».
    Avait-il parlé haut tant son admiration s’était envigourée ? Tancrède qui revenait à petits pas de feutre, sans rien lui dissimuler, sourit du bout des lèvres. La sérénité de son regard démentait son soupçon de bienveillance.
    – Un lis ? Tu m’encenses avec trop de magnanimité. Mais je t’en sais bon gré… Quelles sont tes pensées en me voyant ainsi ?
    Elle avait mis un genou sur le lit, l’autre jambe roide, tirée en arrière, les bras croisés sous ses seins drus. Il n’osa la regarder toute.
    – Mes pensées ? Une seule suffit… Vous tenez du diamant, et plutôt que cette châsse austère, il vous faudrait…
    Il hésitait et revenait au voussoiement parce que le respect du premier jour le reprenait, plus profond et sans doute plus voluptueux.
    – Je sais ce qu’il me faudrait.
    Elle hésita et sa voix s’affaiblit :
    – Je touche à mon zénith et j’ai peur de moi-même.
    Elle rit et il parut à Tristan qu’elle se prenait en dérision :
    – Il m’advient de songer que je suis vierge. Je ne recommencerais pas ce que j’ai fait. Ma vie prendrait un aspect différent… dont j’ignore les contours car je n’ose imaginer cette seconde existence.
    Puis, inquiète et les sourcils froncés :
    – Le plaisir te reprend ?… Elles s’en

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