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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et des manants groupés en doubles ou triples rangs sur les bas-côtés. Aucun, sans doute, ne les haïssait mais aucun non plus ne compatissait à leur sort. Qu’eût fait Guesclin en cette occurrence ? Il devait avoir eu connaissance des plaideries de ce dimanche et enrager de ne s’y point montrer. Mais pourquoi songeait-il à ce maudit Breton ? L’essentiel, présentement, c’était de se dire qu’il serait lui, Castelreng, le meilleur. C’était de se roidir contre toute espèce d’émoi et surtout d’effacer, s’il le pouvait, les funestes idées empilées dans son crâne. Sous le heaume, elles changeraient. Des certitudes qui se fortifieraient de course en course auraient raison de ses inquiétudes. Il serait, à la dernière, la prodigiosité faite homme.
    « Pour le moment… »
    Pour le moment, Paindorge et lui avançaient de part et d’autre de Calveley dont les Bordelais saluaient la haute taille. Ils étaient déjà différents de ce qu’ils étaient le matin même lorsque, méditatifs et remplis des mêmes pensées sur leur devenir, ils vérifiaient une fois de plus les plates et les cuirs de leur armure. Malaquin et le cheval prêté à l’écuyer par Calveley – un roncin pommelé aux aplombs réguliers quoique campé du derrière – piétaient d’un pas égal qu’ils accourcissaient parfois quand, devant eux, le cortège semblait progresser avec peine. Bientôt, cependant, les maisons desserrèrent leur étreinte. Le ciel parut s’agrandir. On franchit une porte, une seconde. La lice apparut enfin et les chevaux trottèrent, laissant un intervalle entre leurs croupes et les têtes des limoniers attelés aux chars des dames.
    – Nous y voilà ! dit Tristan.
    Il eût voulu paraître insensible à la foule groupée autour de la lice, à la splendeur des bannières qui ventilaient au sommet des mâts enfoncés dans le sol et sur les arbres-maîtres et les vergues des nefs ancrées près du rivage de la Garonne. La sonnerie prolongée des trompettes l’incommoda moins que l’ovation desti née au prince. Il sut qu’à compter de ce moment la méfiance pour Paindorge et lui-même devait suppléer la curiosité. D’ardentes velléités fourmillèrent dans ses membres.
    – On y est… murmura l’écuyer le visage soudain pâli.
    Nous allons leur montrer qui nous sommes. D’or en avant notre communion sera plus étroite encore qu’à la guerre.
    Calveley acquiesça, mais sa physionomie resta figée tandis qu’il dévisageait Tristan.
    – Tu vas en ébahir certains de prime face. Ensuite, hélas ! avec Robert, vous n’aurez point affaire à des donzelles.
    Tristan sourit pour rassurer Paindorge. Les quatre années qui les séparaient autant que leurs caractères, et surtout l’estoc 89 qui lui conférait une supériorité de décision sur l’écuyer devaient désormais s’aplanir pour constituer, au-delà de leur longue accointance, une sorte de parenté d’égal à égal.
    Les gentilfames commençaient à occuper l’échafaud qui leur était réservé. On l’avait dans la nuit copieusement fleuri alors que, de part et d’autre, leurs voisins, simplement drapés de velours rouge et or, semblaient des mausolées rustiques.
    – Tiens, dit Calveley voici la dame de Plainmartin qui, poussée au cul par son époux, Guichard d’Angle, accède à sa place, évidemment sur le côté du tribunal des dames.
    – Guichard d’Oyré ! enragea Tristan. Cet homme est un malandrin et c’est un de tes pairs !
    Les paupières du géant clignèrent moins d’étonnement pour cet accès de grogne que parce qu’il chevauchait face au soleil. Il mit pied à terre et invita ses compagnons à l’imiter.
    – Je ne salue Guichard qu’après qu’il m’a salué. S’il me parle, je lui réponds. C’est tout. Édouard exige de ses chevaliers qu’ils se respectent. Je me dois d’obéir. Cela ne m’empêche pas d’éviter ce forfante dont les honneurs me paraissent immérités.
    Ils observèrent l’épouse du favori debout, cherchant son banc. La sobriété de sa gonne de taphetas vermillon desservait cette femme puissamment charpentée. Dépourvue de toute grâce, et le sachant, elle était moins soucieuse de charmer les hommes que de s’imposer à ses pareilles. Sa taille suppléait son rang et sa hautaineté sa vergogne. Guichard d’Angle avait la compagne qui lui convenait. Il aurait ce jour d’hui le sort qu’il méritait si jamais il participait à la joute.
    Dans

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