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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’attention de Tristan et de Paindorge se portait une fois encore sur les échafauds emplis d’une noblesse, d’une bourgeoisie et d’un clergé assoiffé de prouesses et d’effusions de sang tout autant que le peuple debout, appuyé au rebord de la forclose extérieure.
    « Est-ce le même champ clos que nous regardons ? » s’interrogea Tristan.
    Le sien et celui de Paindorge était un lieu éminemment funeste, rayé en son milieu, sur toute sa longueur, par la barrière séparative le long de laquelle courraient les destriers. Des hommes, à coups de marteau, enfonçaient les derniers étançons dans des trous préparés à l’avance, tandis que d’autres clouaient la lice (367) demi-ronde au-dessus après l’avoir manchonnée d’étoffes rouges et bleues dont certains festons caressaient les herbes. Le champ de Calveley n’était qu’un lieu joyeux et confus où se succéderaient des courses excitantes.
    – Ils sont plus d’un millier, dit l’Anglais. Peut-être deux…
    La foule bruissait, rehaussant ce faux silence de ses rires. Elle animait le pourtour du terrain de ses roseurs et de ses couleurs comme des fleurs immenses en bordure d’un jardin.
    – Ne tardez plus, voyez : vos aides vous attendent.
    Shirton et Aylward venaient de sortir du pavillon aux fleurs de lis, sans doute après y avoir déposé les armures et les harnois de complément fournis par Calveley. Tristan hâta le pas, salua les deux hommes et pénétra sous la toile. Les plates de fer luisaient dans l’ombre ainsi que les épées hors du fourreau. Il se saisit pieusement de Teresa dont il baisa la croisette :
    « Ne faillis point !… Il y va de ton honneur et du mien. »
    –  Laissez-moi vous adouber, dit Paindorge. Nos amis m’aideront lorsque vous serez prêt. Le temps ne m’est point compté. À vrai dire, il me déplaît de vous voir galoper contre ces Goddons. Sachez que plutôt que votre Floberge, j’emploierai la Confiance de votre beau-père, si toutefois vous n’y voyez pas d’objection.
    – Aucune, mon ami, et je t’en sais bon gré.
    Tristan se dévêtit. Il ne conserva que ses braies.
    Paindorge le laissa passer une chemise courte, aux manches longues, sur laquelle il endossa le harnois de dessous : un pourpoint destiné à le protéger du cou au sexe, feutré de trois doigts d’épais sur les épaules et les bras du poignet jusqu’au col, de quatre doigts sur la poitrine. Sitôt nouées les aiguillettes de ce vêtement de filasse, l’écuyer l’habilla d’une cuirie de basane légère, renforcée aux coudes. Elle compléterait la protection du bouclier et du plastron de fer lors d’un coup porté avec une forcennerie peu commune.
    – Si vous vous sentez goin 92 que cela vous rassure.
    – Vérifie.
    L’écuyer empoigna une bourlette 93 . Tristan lui enjoignit de le frapper aux épaules, aux flancs, à la poitrine, ce qu’il fit une fois sans user de sa force.
    – Holà ! plus hardiment, Robert. Je ne sens rien.
    Le vêtement soigneusement rembourré amortissait les coups. Tristan les sentait à peine. Cependant, Paindorge émit une suggestion : Calveley avait fait également apporter par ses aides une douzaine de rondelles affeutrées, épaisses, elles aussi. L’écuyer insista pour en garnir la poitrine.
    –  Soit, acquiesça Tristan. Je risque d’étouffer avec cette chaleur. As-tu de quoi les coudre ?
    – Nous avons apporté des aiguilles et du fil, dit Shirton, une boîte à la main. Vous nous regracierez d’avoir pensé à tout. Laissez-moi faire.
    Quand ce fut terminé, Tristan eut recours à Paindorge :
    – Mets-moi mes bas de chausses, puisque je ne puis me plier.
    – Holà ! Pour ne point choir, tenez-vous à la colombe (368) .
    Les bas-de-chausses enfilés, l’écuyer boucla les solerets 94 . Ceux-ci furent surmontés des grèves (369) . Il fallut, ensuite, assujettir à la ceinture, au moyen d’aiguillettes de cuir, les cuissots dont la garniture supérieure était munie d’œillets. Une fois tous ces liens bouclés solidement, Tristan passa par le « haut », le jupon de mailles que l’écuyer ceignit soigneusement à sa taille.
    – Êtes-vous bien ?
    – Oui. Continue.
    Lent et minutieux, Paindorge présenta les brassières, chacune d’un seul tenant : canon d’avant-bras, cubitière, canon d’arrière-bras et spallière 95 .
    – Êtes-vous toujours dispos ?
    – Par Dieu, si je ne l’étais point, tu sais bien que je te le

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