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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dirais !
    Tristan tint contre sa poitrine, elles aussi d’un seul tenant, la cuirasse, la baconnière et les tassettes façonnées en demi-losanges. L’écuyer s’empressa d’ajuster la dossière à l’aide des boucles de cuir et des taquets. Tristan, satisfait, devança toute nouvelle question :
    –  Je me sens aussi solide qu’une tour du Louvre.
    Muet, Paindorge coiffa cette tour d’une cale de lin destinée à protéger le crâne et le front de la pression du camail sur lequel, avec des aiguillettes plus fines, il fixa les bords du bassinet dont il releva la visière.
    –  Vous voilà beau comme…
    – Saint Michel !… Laisse saint Georges aux Anglais.
    De ses mains nues encore, Tristan toucha la région supérieure de la visière et les saillies légères constituant la vue, puis la ventaille conirostre perforée, sur le côté dextre, de seize trous aérants.
    – J’aurais dû en faire percer deux de plus.
    – Je vous l’aurais déconseillé. Le fer se serait affaibli. Vous relèverez ce carnet 96 entre deux courses.
    – Mes gantelets…
    – Nous ne sommes pas à la bataille ! Attendez le dernier moment. L’émoi rendra bientôt vos paumes et vos doigts poisseux. La sueur sourdra sous vos mailles et le cuir en sera mouillé. La lance pourrait glisser dans votre main. Je les prends avec moi.
    Ils sortirent.
    Entre Aylward et Shirton, Malaquin était prêt. Calveley avait fait placer en avant de sa selle un hourt qui, tout en protégeant la poitrine du cheval, garantirait les jambes du cavalier. C’était un matelas de paille renforcé de bâtons cousus à l’intérieur qui le tenaient roide, sans gainchir. Par-dessus cette défense avait été posé un houssement de lin blanc.
    – J’aurais aimé qu’il soit embelli par tes armes. Le temps m’en a manqué.
    – Ce blanc me convient, Hugh. Peut-être se parera-t-il de mon sang.
    L’attention de Tristan se porta sur un écu posé dans l’herbe.
    – Pour toi, dit Calveley.
    Il le saisit par une énarme et le présenta en chantel 97 .
    –  De gueules à deux tours d’argent… C’est bien ainsi ?
    Tristan s’efforça de dominer son trouble et sa reconnaissance.
    – Oui, Hugh… Nous serons, Malaquin et moi, aussi beaux que des princes.
    – Tu n’auras pas de heaume timbré 98 comme les chevaliers d’en face.
    – J’aurai, n’en doute pas, quelque chose de plus.
    – Quoi ? demanda Shirton après avoir accordé son regard à celui d’Aylward.
    Tristan se repentit d’avoir feint une sérénité qu’il avait perdue tandis que Paindorge ajustait sur son corps les éléments d’une armure dont son anxiété, sans doute, augmentait la pesanteur.
    – La perfection, dit-il. Si elle ne peut-être mon recours, alors qu’elle soit mon vice… et qu’elle exhausse mon courage.
    « Des lances de guerre ! Les Goddons n’en emploieront pas de pareilles pour s’attremper les uns les autres ensuite du pas d’armes. Après que leurs champions m’ont couru sus dans l’intention de m’occire, ils reviendront aux bonnes lances fresnines 99 coutumières munies d’un rochet… ou plutôt d’un cournall ou d’un coronal comme ils disent 100 . Dieu veuille m’assister ! »
    Ses entrailles gargouillaient et il n’était plus le temps d’aller se soulager. D’ailleurs, où que sa vue portât, il n’apercevait aucune guérite à fonction de latrine. Sa gorge se serrait et semblait se durcir. Il avait beau songer aux patientes et scrupuleuses courses effectuées soit en s’exercisant, soit en des joutes difficiles ; il avait beau vouloir recouvrer cette volonté souvent exaspérée d’être le meilleur pour lui-même et qui se dédommageait par des fatigues longues et béates, il ne se sentait plus possédé par cette fièvre vindicative qui lui avait si fréquemment réussi.
    – Tu vas devoir attendre, dit Calveley. Les nôtres ne sont pas prêts. Si le roi Édouard avait été présent, ils l’eussent été depuis l’aube !
    Il y avait des lueurs de fer au fond des pavillons adverses. Parfois, un écuyer en sortait. Il se hâtait vers les palefreniers occupés à seller les chevaux ou bien vers le râtelier d’armes où certains chevaliers avaient suspendu leur écu et leur épée. L’un d’eux courut vers une vendeuse de claret pour lui acheter trois chopines.
    Tout autour du champ, la rumeur s’épaississait. Trop éloigné de l’échafaud des dames, Tristan ne pouvait, parmi tous les visages

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