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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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trop souffert des coups lors de la joute.
    – Eh bien, dit Tristan, adoubons-nous comme nos ancesseurs Aylward, aide Robert. Shirton, aide-moi… Ces jambières, à dextre, sont plus longues et plus étroites : elles doivent me convenir… Robert, tu prends les autres… Prends aussi le haubert à côté : il est plus large et te conviendra mieux…
    Les jambières avaient des semelles à leur extrémité. Tristan, les pieds à l’étroit dans les mailles, renonça à proposer un échange à son écuyer. Le pas d’armes serait de courte durée. Il pourrait donc supporter cet inconvénient. Shirton attacha soigneusement le haut Ides chausses de fer à la ceinture 143 que Tristan venait de boucler sur son pourpoint. Sitôt fait, celui-ci leva les genoux l’un après l’autre, plusieurs fois.
    – C’est bon, dit-il. Je pourrai me mouvoir aisément.
    Le dessous de bourras réendossé, il passa non sans souffrir de son épaule, la défense de mailles qu’il avait choisie. Elle lui parut légère comparée à son armure, mais il le savait : c’était une illusion. La cotte de lin blanc était large et les évasements des bras permettaient des mouvements vifs.
    – Te voilà, dit Calveley, adoubé comme tes aïeux s’ils ont été ou non des croisières (386) .
    Il se tourna et sourit :
    – Paindorge, tu sembles un preux !
    Puis, désignant les coiffes de fer :
    – Au-dessus de vos coiffes et camails, elles conviendront… Je pense que vos adversaires s’apprêtent derrière les échafauds. J’en ignore le nombre comme j’ignore les intentions du prince… Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai des amis parmi les juges. Je leur ai demandé de se montrer sages et loyaux.
    Shirton qui s’en était allé sous la tente revint avec la ceinture d’armes à laquelle Teresa était suspendue. Il en ceignit Tristan et vérifia les attaches de la bélière :
    – À votre place, messire, je ne m’encombrerais pas du fourreau. Il vous tapotera la jambe et gênera vos gestes. Il vous faudra de l’aisance.
    – Bien vu, Jack, approuva Calveley. Fais-en autant, Paindorge.
    On ôta les fourreaux et conserva les bélières. Le grand Anglais poursuivit :
    – Tu as si bien meshaigné Bagerant qu’il serait bon, désormais, que tu aies des yeux dans la nuque.
    Tristan leva les siens pour trouver ceux de Calveley.
    – J’ai été loyal. Je pouvais l’occire et m’en suis abstenu.
    Était-ce vrai ? N’exagérait-il pas ? Déjà, dans son esprit, cette âpre passe d’armes semblait un songe. Un mauvais songe. Il sentit sur son épaule valide la main lourde, amicale, de l’Anglais.
    – Bagerant est l’homme le plus décevant que je connaisse. Après Nâjera, il m’assura qu’il serait toujours des nôtres. En fait, il songe à se ranger auprès du roi de France 144 .
    –  Hein ?
    – Hier, nous avons potaillé jusqu’à ce qu’il soit saoul comme une grive. J’ai voulu savoir pourquoi il restait à Bordeaux… Il ne s’est pas fait prier : il attendait les joutes avec l’espérance de t’y occire. Il paraît que tu as été son otage à Brignais.
    – C’est faux. Il avait captivé (387) une servante d’auberge et m’imposa, pour sa liberté, d’échanger cette otagerie : la mienne contre celle d’Oriabel. J’ai accepté : j’en étais épris.
    Ces amours n’attisèrent point la curiosité de l’Anglais. Il ajouta toutefois sans dissimuler sa répugnance envers Bagerant.
    – Ce malandrin a prié Auberchicourt de le venger de ce qu’il considère comme un outrage.
    – Ah ! fit simplement Tristan.
    Paindorge émit un soupir bruyant avant d’exprimer son opinion :
    – Le linfar !… Eh bien, messire si nous sommes vaincus et vivants, nous dirons comme les Tolédans : « Vincidos, no por falta de corazàn y valor, mas por mala suerte 145 . »
    C’était la seule sentence qu’il semblait avoir retenue de son séjour aventureux en Espagne, le reste étant un fatras de mots ordinaires.
    – Agar 146  ! dit Tristan à Calveley. Les manouvriers s’en vont.
    L’érection du château était donc achevée. Évidemment, sa défense ne serait point assurée sur ses courtines : ce serait devant son entrée, béante ou non, qu’il importerait de « tenir le pas ». Les tenants ou défenseurs devraient repousser les venants.
    –  Audeley, soit, dit Tristan. Auberchicourt pour faire bon poids. Je suis certain que tu en oublies. Qui serons-nous ? Assaillants

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