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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’Espagne !
    – Je suis demeuré un jour de plus à Bordeaux pour juger de votre hardement.
    – Qu’en pensez-vous ?
    L’Anglais eut un nouveau sourire. Cette fois dubitatif.
    – Vous vous défendez bien.
    –  Défendez ! releva Calveley. Ah ! John, tu m’ébahiras toujours.
    – C’était, Hugh, façon de parler.
    Puis, tourné vers Tristan et la bouche en biais :
    – Je voulais vous voir de près.
    – C’est fait. Mais pourquoi ? s’enquit Tristan qui s’échauffait.
    – Mandement du prince Édouard. Il est furibond… et vous en veut : vous avez opprimé ses meilleurs hommes liges.
    – C’est vrai, dit Calveley. On ne peut rien reprocher à Castelreng.
    – Le prince espère tout du pas d’armes.
    – Il espère ce que vous espérez peut-être aussi… et même sûrement, messire.
    L’allusion suffisait. Une sensation de vertige contraignit Tristan à fermer un moment les yeux. Il agrippa sa main sur l’épaule de Paindorge.
    – Eh bien, dit-il, vous m’avez vu, messire John.
    – Je ne vous trouve pas en parfait état.
    Nul besoin d’être perspicace pour avoir deviné cela. Tristan se sentit les joues rouges. Une abominable tristesse pesa sur son esprit et ses membres.
    – Dites à monseigneur que je suis aussi solide que les tours de mon châtelet. Et allez-vous-en… J’ai besoin de m’apprêter. Et mon écuyer tout autant.
    Quelque chose de tumultueux montait dans sa poitrine. Il le savait : sa voix chargée d’aversion avait ressemblé à un cri qu’on étouffe. Il était à bout de nerfs, las, inquiet comme un naufragé qui ne voit rien, autour de lui, où s’accrocher, et que l’épuisement condamne. Ses entrailles le cuisaient. Northbury l’observait d’un air indéfinissable.
    « Il ne me regarderait pas autrement si j’étais occis. »
    L’Anglais parut vouloir résister au regard de Calveley. Après avoir défié le géant un instant, il abaissa son pied en surplomb sur la ridelle. Son sourire s’effaça de ses lèvres, et crochetant ses mains à la boucle de sa ceinture vide de toute dague et de toute épée, il lança ainsi qu’une révélation ce dont Tristan se doutait :
    – Auberchicourt veut venger ses amis.
    – Et moi, je vengerai la honte de Nâjera !
    – Allons, s’indigna Calveley, cessez de vous titiller comme deux frelons décidés à flairer la même fleur ! Vous vous êtes tout dit. Northbury, prends le large.
    – Oh ! Toi… grommela l’écuyer.
    Son soudain dépit envers un homme qui, à son goût, soutenait immodérément des ennemis, le condamnait sans doute, s’il ne l’éprouvait déjà, à une haine envers les deux Franklins ainsi qu’à un ressentiment dont Calveley n’avait cure.
    – Pars ! insista le géant. Observe ce pas d’armes ou fais en sorte d’en être… Je te sais vaillant. Qu’attends-tu ?
    Northbury s’éloigna sans répondre.
    – Je connais John, commenta Calveley. Il est vrai qu’il a du courage. Cependant, il t’a vu à l’œuvre. Il ne voudrait pas déchoir aux yeux de celle que tu connais… Regarde cette forteresse. Je ne sais si Paindorge et toi aurez à l’assaillir ou à la défendre.
    Le château issu d’un cerveau imaginatif semblait sur le point d’être achevé. La fête d’armes, derechef, résonnait de tous les cris, toutes les crécelles, cliquettes, hurlements de cors et de clairons que certains manants avaient apportés. S’y joignaient parfois, assaisonnés des cris des mouettes nombreuses, les hurlements des cornes de brume des nefs amarrées et des vaisseaux de passage.
    – Je préfère Gratot, dit Paindorge.
    Les clartés du soleil embellissaient la muraille de toile imitant les pierres, soutenue par deux potences dont les longues traverses se rejoignaient et sur lesquelles deux tourterelles venaient de se poser. Faux châtelet, fausse bataille mais vrais horions. Qu’allait-il advenir de deux otages dont l’un sentait son épaule le cuire ?
    Aylward tira de la brouette quatre jambières de mailles fines et leurs attaches, le tout en bon état ; deux hauberts aux anneaux sur lesquels çà et là persistaient des taches de rouille et deux heaumes qu’il posa sur l’herbe, auprès des habits de fer. Les cottes d’armes avaient dû servir maintes fois, mais leur blancheur, de loin, les rendrait comme neuves.
    – Point d’écu cousu dessus, commenta Calveley lorsqu’il les vit dépliées, mais tu pourras te servir du tien s’il n’a pas

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