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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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présenter…
    –  Une meute nous assaillira, dit Tristan, avec des cervelières pointues, sans doute, et des badelaires…
    – Je le crains, dit Calveley.
    –  Secondement… avant le commencement de l’envaye (388) , les ennemis seront sermons 152 devant le prince.
    Ils seront tenus, ce soir, de se trouver au dîner offert par monseigneur Édouard et le mayeur 153 de Bordeaux. En leur foi et honneur, ils rapporteront aux dames et aux juges de vérité ce qu’ils auront trouvé durant la bataille…
    –  Et ceux qui seront morts et trop eshanchés 154 pour paraître à la table ? demanda Paindorge à mi-voix.
    – Nous allons devoir nous battre avec des hommes que nous ne connaissons pas contre des hommes que nous haïrons comme des Mahomets !
    – … et avant, continuait le héraut, ils boiront force hypocras, hydromel ou claret si tel est leur plaisir.
    –  Par ce temps, dit Tristan, j’aime mieux la cervoise.
    –  L’observation des pratiques pieuses ne pouvant être assurée, les tenants et les venants baiseront l’herbe avant le commencement de l’assaut en invoquant Dieu. Les dix Croisés, après avoir comparu devant monseigneur, duc d’Aquitaine, lieutenant du roi Édouard III, iront devant la porte périlleuse et dès lors Saladin et ses Mahoms les pourront assaillir quand le moment en sera donné par son de trompe.
    –  Il commet une erreur, dit Tristan. Châtillon, que je sache, n’était pas un croisé.
    – C’est façon de parler, dit Paindorge. Et c’est façon d’occire.
    – Qu’importe ! fit Calveley. Sachez-le tous les deux : je ne vous quitterai pas du regard. Ni Shirton. Je vous sais en danger mais j’ai la conviction que vous ferez visage. Qu’on ne s’avise pas de vous trahir par quelque fallace. Nous veillerons. Auberchicourt sera Saladin.
    Le géant s’en alla vers les échafauds. Il croisa le maréchal de lice dont le cheval, un morceau à l’encolure de cerf, amblait à la rencontre des Français. L’homme se pencha et porta sa main dextre à sa tempe pour un salut des plus courtois :
    – Messires êtes-vous prêts ?
    – Nous le sommes, dit Tristan.
    – Alors, suivez-moi à pied.
    Camail et heaume en tête, ils suivirent le cheval moreau dont les tintements des avallouères 155 et de la pissière, munies de grelots, étaient comme les reflets sonores de leurs propres tremblements. Avant qu’ils eussent atteint l’assistance noble, ils virent deux processions de combattants contourner les échafauds derrière lesquels avaient eu lieu le rassemblement, les apprêts et les concertations ultimes.
    La file qui venait d’apparaître à senestre était composée de huit hommes.
    « La nôtre », songea Tristan.
    Il allongea le pas. Il frissonnait sous ses mailles. Sa gorge se plombait, s’obstruait. Il porta sa senestre à son heaume puis à son camail, lequel couvrait entièrement ses épaules. Tout ce fer à l’entour de sa tête pourrait subir sans dommage pour celle-ci les coups les plus ruins 156 . Ses oreilles s’emplissaient de l’épaisse rumeur de la foule et du cliquetis des harnois de ces guerriers, vêtus comme Paindorge et lui-même de hauberts, gambisons et haubergeons de mailles. Certains s’étaient munis d’un écu, d’autres y avaient renoncé. Ils s’arrêtèrent et l’un d’eux les pria de prendre place à l’avant de leur procession. Sous sa cervelière lacée, attachée à son col par des boucleteaux de cuir et de cuivre, c’était un homme grand, glabre, aux yeux bleu pâle sous des sourcils épais et blonds.
    – Messires, dit-il sans nulle cérémonie, disposez de nous à votre volonté.
    Tristan lui rendit sa courtoisie :
    – Je ne vous sais pas Anglais, messire, si court qu’ait été votre propos. Mais le seriez-vous que je ne concevrais pas que vous puissiez être disposé à combattre vos compagnons.
    Un sourire décloua des lèvres épaisses picotées par une barbe de trois ou quatre jours.
    – Il n’y a aucun Anglais parmi nous, messire. Nous sommes Bretons, Picards, Lyonnais et moi Poitevin.
    – Alliés tout de même.
    – Mon nom est Herbert Berland. Ne confondez point avec William de Berland, l’homme qui prit Guesclin à Nâjera !
    Révéler son nom ne lui suffisant pas, le tenant ajouta :
    – Ils m’ont pris lors du siège de Poitiers, en octobre 1346, après qu’on eut fait, à une centaine, une sortie malencontreuse 157 . Derby m’a donné le choix entre la mort et ce qu’on

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