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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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complexion soudainement chétive. Déjà des manouvriers assemblaient au-delà de la barrière des joutes et face à l’échafaud du prince d’Aquitaine, les éléments du château destiné au pas d’armes, et les frappements de leurs marteaux lui ébranlaient le crâne. Il allait devoir défendre ou attaquer ce monument de bois et de toile avec sans doute ! l’unique soutien de Paindorge. Il eût pu exciper de la gravité de sa blessure pour que cette épreuve fût peut-être annulée. Or, c’eût été tomber en dérogeance.
    L’écuyer n’osait exprimer son inquiétude. Elle se décelait dans son regard et ses sourcils froncés, dans le pli serré de ses lèvres. Paindorge le sentait différent de ce qu’il était avant cette fête d’armes. De plus, il s’était appuyé sur son épaule, ce qui dénonçait une lassitude dont hélas ! aucun des deux ne pouvait mesurer l’épaisseur et la gravité.
    – Venez-vous asseoir… Viens, Aylward.
    Il y avait une escabelle devant le pavillon aux fleurs de lis. Tristan la jugea étroite et basse. En s’asseyant, il ne pourrait fournir à ses jambes lourdes le repos dont elles avaient besoin.
    – Pose ce bassinet. Mets une selle sur ce siège et fixe-la bien.
    – Nos deux chevaux sont sellés…
    – Alors desselle-les. Nous n’allons pas combattre à cheval mais à pied.
    Shirton avait entendu. Tristan le vit courir vers le château factice et revenir avec, sous les bras et dans les mains, des morceaux de planches. Bientôt le siège fut convenablement exhaussé. Tristan put s’y asseoir et s’y trouver à l’aise.
    Aylward défit la lanière de cuir qui joignait le bras de fer à la cuirasse et dont il sépara, ensuite, le plastron de la dossière.
    – Il faut tout ôter, messire. Votre vêtement de bourras a absorbé le sang. J’ajoute que, pour le pas d’armes, votre armure est inutile.
Comment ? s’étonna Tristan, furibond.
    Aylward, d’un geste, anéantit cette saute d’humeur :
    – Pour faire vrai, le prince veut vous voir tous en habits de jadis… On va vous apporter des hauberts et des défenses de tête comme celles d’autrefois.
    – Des mailles !… Des mailles ! Certes, j’en ai porté… Soit !… Je pense à quelqu’un.
    Tiercelet. Qu’eût-il dit, le brèche-dent, s’il s’était trouvé maintenant dans ce champ clos ? Quels conseils eût-il fournis à deux compères toujours menacés de mort ?
    – Ote-moi tous ces fers et le bourras avec. Ainsi, tu verras bien au-delà de ma navrure… Je ne la regarderai pas : je me méfie de sa laideur.
    À demi dévêtu, Tristan se désattrista. La tiédeur de l’air, le souffle du vent sur son bras le soulageaient de toute pesanteur douloureuse. À défaut de remède et pour ne pas courroucer le Franklin qui refusait auprès de lui l’assistance d’un mire anglais, Shirton abstergea la plaie du contenu d’une fiasque de claret, posa dessus un bourdonnet banda le haut du bras et l’épaule, puis ouvrit un coffret dans lequel il puisa du fil et une aiguille.
    – C’est à Calveley… Si l’entaille n’a pas besoin d’être recousue, il me faut raccoutrer votre manche.
    – Fais au mieux.
    – Tenez, dit Paindorge en tendant un gobelet de vin à Tristan. On parle de Calveley et il nous rend visite.
    Tristan but à grands traits sans étancher sa soif, transpirait de la tête aux orteils. Sa répugnance à saisir une épée emplissait son corps de tremblements discontinus, tantôt forts, tantôt faibles. Pour ne point courroucer le prince, Calveley s’approchait d’un pas lent dont la nonchalance était feinte.
    – Eh bien ? demanda-t-il de loin.
    À défaut de compassion, son sourire exprimait une sorte de félicité dont Tristan devina la raison. Il s’abstint de l’exprimer.
    – J’ai été méchamment empoint par Nigel Loring.
    –  J’ai vu. Tu as jouté comme un preux. Ogier n’eût pas mieux fait que toi ! Tu en as for-mené 139 quelques-uns !
    Tristan, de la main, éloigna un éloge inutile.
    – Qui seront nos assaillants ? Ne nous prépare-t-on pas une fallace si crue 140 que nous succomberons quel que soit notre courage ?
    Il toussa et cracha de biais une salive spumeuse. L’avenir immédiat devenait son tourment. Il avait souhaité un combat fu rieux, un estekis 141 ardent, tumultueux, assorti d’un danger qui, d’instant en instant, lui fournirait une conscience aiguë, définitive, de sa vigueur et la façon de l’employer.

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