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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Eu égard à son état, ce vœu ne serait qu’incomplètement exaucé. S’il se sentait en communion étroite avec Paindorge, il savait que ce pas d’armes accuserait à leur détriment leurs dissemblances de caractères.
    « Moi, j’aime à commander, lui ne sait qu’obéir. Or, il va devoir se prendre en main. »
    Ensemble, ils s’étaient empli les yeux, le cœur, l’esprit des mêmes combats. Ils avaient accompli les mêmes gestes d’attaque et de défense, mais c’était dans des mêlées de la guerre. Tandis que maintenant…
    Allons, leurs affinités étaient telles qu’ils s’accordetaient une fois de plus pour vaincre, même si sa blessure le préjudiciait.
    – Vous aurez contre vous James d’Audeley (383) .
    – Et qui encore ? interrogea Paindorge d’une voix aussi pâle que ses joues.
    Calveley prit son temps pour fournir la réponse. Il révéla enfin, lugubre :
    – Auberchicourt.
    Tristan se tourna vers Paindorge :
    – Eustache d’Auberchicourt !
    L’écuyer hocha la tête. Sa mine était soudain presque désespérée.
    – Merdaille, dit-il simplement. Deux routiers pour vous, messire. D’abord Bagerant, Auberchicourt ensuite 142 .
    – Nous ferons visage (384) Robert. N’aie crainte ! Nous faut bastiller (385) notre âme et notre corps… !
    Paindorge eut un sourire de doute cependant qu’ il faisait jouer son épée dans son fourreau comme pour apaiser les démangeaisons de sa lame.
    – Nous ferons de notre mieux comme toujours. Shirton s’éloigna en s’excusant :
    – Un juge m’appelle !… Je crois savoir pourquoi. Lorsqu’il revint, poussant une brouette, un homme en habit de ville l’accompagnait. Tristan se leva tout en interrogeant Calveley :
    – Tu le connais bien, celui-là ? !
    – Oh ! Certes, je connais Northbury… Le beau ! John. On m’a dit qu’il devait revenir en Bretagne.
    – Il devait y partir ce jourd’hui.
    – Deux raisons pour le retarder : la fête d’armes et une belle.
    – Je crois la connaître.
    – Hé oui !… C’est bien elle. Et comme il sait que toi et elle…
    Calveley eut un clin d’œil et poursuivit moins gaiement :
    – Tu penses bien qu’il voudrait te voir vaincu et laissé mort sur l’herbe !
    – J’ai dû le décevoir en buquant ses compères… qui sont aussi les tiens.
    Cela dit, Tristan songea mélancoliquement que ses épreuves n’étaient point achevées. Le vent soufflait. Était-ce de bon ou de mauvais augure ?
    – Le beau John, murmura Calveley entre ses dents. Il se croit séduisant. Or, c’est à peine si elle le regardait avant qu’elle ne te connaisse. Alors, désormais, il existe plus… Et il enrage. Il porte beau, comme on dit. Vois son pourpoint. La soie bleue est parfilée d’or au col et au bout des manches… Et ses heuses !… Le cuir rouge est éblouissant.
    –  On dit dans mon pays : Bestio maldito, lou pel y isis , autrement dit : la bête maudite a le poil luisant.
    – On disait en Castille, – peut-être les as-tu retenues – les paroles de Chimène à Rodrigue «  Tu marches environné de chiens qui te caressent aujourd’hui et qui se jetteront sur toi, prêts à te dévorer au premier faux pas. » Le peuple t’a caressé de ses voix dus encore que tous ceux des échafauds. Si tu déçois ces manants, ils te haïront… Mais je me tais : ils nous rejoignent.
    Quatre pas. La roue de la brouette cessa de grincer.
    – Voilà, dit Shirton. Tout ça c’est pour vous, mesure Tristan, et pour Robert.
    Tristan vit un amas de mailles, des étoffes blanches pliées soigneusement et au-dessus deux coiffes de fer encore en faveur chez la piétaille anglaise et qui ressemblaient à des heaumes en pot qu’on eût coupés à mi-hauteur. Son regard rencontra celui de Northbury avant même d’examiner son visage.
    – Eh bien, messire ?… Je vous croyais cheminant vers la Bretagne.
    Le ton était aimable. À quoi bon s’animer. L’Anglais avait posé un pied sur la courte ridelle de la brouette. Le talon de sa heuse s’ornait d’un éperon d’argent à grosse molette en étoile. Encore un qui devait faire souffrir ses chevaux.
    – Ah ! La Bretagne…
    Northbury semblait peu disposé au dialogue. Alors, pourquoi avait-il suivi Shirton ? Une mèche échappée de son chaperon bleu sombre luisait sur son front comme des brins de métal. Ses sourcils étaient gros, épais. Autant que sa hautaineté. Il avait bien changé depuis

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