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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Auberchicourt, qui pressentait une estocade, éluda celle-ci de sa pavoisienne.
    « Merdaille ! »
    L’estomac noué, Tristan tituba, recommença son coup et enragea qu’il fut tout aussi stérile que le précédent. Il entrevit alors, sous le bulbe de fer le regard et le sourire de son adversaire.
    « Il croit pouvoir m’abattre aisément ! »
    Son épaule chauffait, devenait fournaise. Il respira profondément et reçut un coup de pied dans une jambe.
    – Maudit Goddon ! Que le diable te châtre !
    Il eût pu choir à la renverse, mais bien que le sol se fut cavé sous son talon, il demeura debout, serrant les dents sur un gémissement cependant que le badelaire fendait l’air pour atteindre de biais le haut du heaume et glisser sur le camail jusqu’à l’épaule.
    Tristan sentit un couperet s’abattre sur sa blessure.
    « Il m’a griévé, le saligot ! »
    La souffrance renaquit, s’enfla et roula jusqu’au coude.
    Il chancela en arrière. Il serait tombé, sans doute, s’il n’avait heurté un combattant dont il ne sut s’il était allié ou ennemi. Il cillait des paupières pour s’éclaircir les yeux. Non ! Ce n’étaient pas des larmes de douleur. C’était sa sueur, abondante, que ses sourcils ne retenaient plus.
    Auberchicourt redoubla de hardiesse. Un instant invisible derrière son bouclier, sa lame se leva pour un fendant définitif.
    Plutôt que de monter à la rencontre du badelaire, Teresa s’éloigna horizontalement pour revenir, fugace et violente, s’abattre contre le croissant d’acier. Il vola dans l’air comme une grosse hirondelle.
    Aussitôt Tristan se jeta sur le malandrin, l’épée levée :
    – Messire, Saladin, Allah vous a trahi !
    Un hurlement sortit de la gorge d’Auberchicourt. Il recula et comme Paindorge, soudain présent, le heurtait de son épaule, ses jambes cédèrent sous lui et il chut en avant, dans une genouillade que la foule, persuadée qu’il était navré, accompagna d’un «  Oh ! » terrifié. La pavoisienne roula dans l’herbe.
    Tristan ne pouvait distinguer l’expression du visage penché de son adversaire, mais il voyait la dextre gantée de mailles qui s’approchait du badelaire. Promptement, de son talon, il écrasa cette main aux doigts écartés alors qu’elle allait se replier sur la prise de l’arme.
    – Messire Saladin… Pour moi et ceux qui vous regardent, vous êtes mort… Votre parole !… Allons, messire !… Cessez-vous ce déduit 177 absurde et peut-être mortel pour quelques-uns d’entre nous ? Votre tigrerie vous a trahi. Vous voilà désarmé au… pas d’armes !
    Pour la première fois sans doute, Auberchicourt flairait la honte, sinon la dérision. L’incroyable fureur que Tristan lut dans ses yeux de ce vaincu soudainement accroupi dans une intention de revanche lui fit choisir incontinent son geste : posant l’estoc encore immaculé de Teresa sur la gorge du perdant, juste au-dessus des mailles de l’encolure, il pesa sur la lame et sur les mots qui composaient sa question :
    – Vous voilà désaguerri. Voulez-vous oui ou non me demander merci ?
    La face, entre le bord de la cervelière et le contour du camail, s’était complètement dérougie. Une bave sèche collait aux commissures d’une bouche comme prête à mordre. Auberchicourt grondait sourdement et semblait refréner un tumulte de mouvements extraordinaires. Sa colère se déchargea :
    – La male chance m’accable ! Vous le savez bien !
    Cependant, le bon sens commençait à poindre :
    – Mon honneur…
    – Vous vous en croyez ?… La male chance, messire Saladin, n’est pour rien dans votre défaite… Quant à l’honneur, ce sont ceux qui n’en ont point qui s’en donnent tant et plus. Rendez grâces à Dieu qui m’enjoint de vous épargner.
    Ils étaient animés d’un souffle de bataille.
    – Messire, au nom du Ciel, j’attends votre merci !
    Quand il fut proféré à voix basse, Tristan retira la pointe de son épée d’une pomme d’Adam où perlait une goutte de sang pareille à une punaise. Prudent, il ramassa le badelaire. Lorsqu’il l’eut jeté hors de portée du vaincu, il aperçut deux corps allongés : un de ses hommes – Frescourt – et un Mahom. Paindorge était assailli par Chandos et Audeley. Plus loin, des tenants et des venants s’entrebattaient devant la porte du châte let. Étendu sur l’herbe, face contre terre, Herbert Berland allait peut-être périr. Comme

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