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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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coutume. Mais qu’importait : il se voyait ainsi.
    Il leur sourit, s’inclina, et leva Teresa bien haut comme pour l’imprégner des lueurs du soleil. Enfin il l’abaissa en signe de respect.
    Il trouva la princesse plus digne que la nuit où il l’avait surprise dans sa chambre du châtelet de Cobham, plus émouvante que lors de leur rencontre au palais de son époux. Que craignait-elle, entourée de ses amies ? Parfois, inclinée au bordage de l’échafaud réservé aux ecclésiastiques et à la petite noblesse, une tête tonsurée se penchait dans sa direction. Ce devait être un éminent dignitaire du chapitre 168  ; ores l’attention qu’il lui vouait semblait l’irriter plus que nécessaire. Toute proche, Tancrède, s’interrogeait sans doute sur la vigueur du Français et ses dispositions à manier l’épée après avoir si parfaitement joué de la lance. Lui seul devait comprendre ses promptes œillades.
    « Elle joue à la frisque dame 169 mais sa pâleur témoigne de son angoisse. »
    –  Je ferai de mon mieux, damoiselle, pour vous complaire, voire même pour vous combler.
    La mangeuse de coquelicots fronça les sourcils. La blonde cendrée eut un sourire de biais. Leur voisine – Blanche de Passac – s’écria : « Oh ! » et se renfrogna. Tristan revint vers ses hommes.
    – Vous avez encore courroucé le prince, lui reprocha Paindorge à voix basse.
    – Pas tant qu’à Cobham quand il venait de besogner la princesse.
    – Il ne le peut plus, désormais, et doit haïr tous ceux qui peuvent !
    *
    Les olifants sonnèrent. Deux par deux, les Français et leurs aides, l’épée à plat sur l’épaule, gagnèrent le seuil de l’illusoire château de Karak. Sitôt devant sa porte close, ils s’arrêtèrent et délibérèrent.
    – Messires, dit Tristan, nous avons peu de temps. Renaud de Châtillon ou pas, je vous prédis sans nul mérite que nous allons être assaillis de front par quelques-uns de nos ennemis tandis que d’autres, je ne sais combien, contourneront cet édifice afin de nous prendre à revers. Nous n’aurions rien à craindre s’il y avait des douves et un faux pont-levis : il n’y aurait alors qu’un seul passage. Ce n’est pas le cas. Défions-nous tout d’abord des attaques de flanc. Contenons-les. Il se pourrait, ensuite, que quelques malicieux se glissent sous les toiles pour nous trespercer dans le dos…
    Il n’eût pas été plus anxieux s’il s’était agi de l’ultime assaut d’un château de pierre dont quelque haut baron lui eût confié la défense. La toile du faux Karak, mal assujettie à la charpente, se gonflait, dégonflait et ridait comme une voile livrée au vent.
    – Voyez : ils s’apprêtent.
    Les Mahoms, déployés en demi-cercle, avaient placé Auberchicourt au centre, Audeley et Chandos aux extrémités. Ils piétaient lentement, s’arrêtaient, se concertaient. Le blanc de leurs vêtements ne rendait que plus voyant – et redoutable – l’éclat de leurs badelaires. Un cri de femme suscita un grand murmure dans le public à pied. Les privilégiés des échafauds, eux, retenaient leur souffle.
    « Est-ce Tancrède qui a crié ?… Une nuit encore… Et pourquoi pas un jour ? Des jours à condition qu’elle le veuille. »
    « Il faut me remérir 170  », lui avait-elle dit en lui mordillant l’oreille juste avant qu’elle ne s’ouvrît, attentive et défaite. Il allait lui prouver que son admiration pour lui n’était pas vaine et qu’il pourrait l’emmener loin de Bordeaux sans que rien de néfaste ne leur advînt.
    – Ils atermoient, dit Paindorge. L’accord est nul entre Chandos et Auberchicourt. J’ai Confiance en main – et voudrais être Argouges !
    L’écuyer s’apeurait. À juste raison. Son souffle devenait bref et rauque. Quelle image se présentait dans sa mémoire au-delà des dix ennemis ? Ses parents ou cette Edmonde qu’il avait vainement aimée ?
    – Messires, dit Tristan, point de cuidançon 171 . Nous ne nous connaissons pas mais la crainte de l’occision suffit pour nous unir. Sur les dix hommes qui s’approchent, trois seulement sont redoutables. Voici ce que j’ai décidé : que Fondecave, Berland et Dutilleul demeurent devant le seuil de notre forteresse… mais accourent à notre appel… à moins que nous ne reculions vers eux.
    Les trois défenseurs s’éloignèrent. Tristan rassembla les autres et conservant le ton du commandement :
    – Nous sommes sept.

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