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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Chandos :
    – Cesse, John ! Cesse !… De toutes parts, les gens nous vitupèrent.
    Paindorge s’était immobilisé. L’Anglais voulut en profiter pour fournir un taillant ultime, mais Audeley cria :
    – Non, pour l’amour de Dieu !
    L’œil unique, pénétrant et brillant comme une vrille, se détourna vers son compère. La vue de son visage aux traits bouffis et sanglants parut l’emplir d’épouvante.
    – Or donc, cessons, dit-il d’une voix qui manquait d’épaisseur.
    Et haussant le ton :
    – Cessons tous, messires ! Good work, what do you think of it 179  ?
    Puis à Tristan qui venait avec peine de ramasser Teresa.
    – Je ne sais quels auraient été les vainqueurs, mais vous avez raison l’un et l’autre. Il nous faut faire la paix. Il y a trop de guerres pour que nous en inventions de nouvelles. C’est ce que je dirai au prince…
    Son œil élargi de surprise glissa du coude dextre de Paindorge au rebras de son gantelet. Du sang y sinuait.
    Alors, il lui montra son bras senestre : les mailles avaient cédé. Une déchirure du haubergeon révélait une chair sanglante.
    – Nous sommes quittes.
    – Ceux-là ne le sont pas, dit l’écuyer.
    Deux Mahoms gisaient sur l’herbe, immobiles. Devant le portail du faux château de Karac, Berland, recroquevillé sur la terre battue, souffrait visiblement le martyre. Près de lui, Fondecave ne reverrait pas les siens.
    Calveley apparut, froid et triste.
    – Vous eussiez dû cesser avant. Vous vous êtes acharnés les uns sur les autres… Vous cessez et rompez ainsi la délectation d’Édouard, mais il faut savoir interrompre les meurtrissements inutiles.
    Cette privation complète et soudaine d’un plaisir pervers dont seul le prince avait profité de bout en bout le satisfaisait sans qu’il osât trop en fournir la preuve par quelques mots et sourires. Tristan l’abandonna à la compagnie des siens et se laissa soutenir par Paindorge jusqu’au seuil de leur pavillon. Aylward et Shirton s’empressèrent de les délivrer de leurs mailles. Quand son haubert et ses jambières furent à ses pieds, Tristan se laissa tomber sur l’escabelle que Shirton venait d’apporter.
    – J’ai mal, dit-il. Grassement mal. J’en pleurerais !
    – Nous allons vous soigner, dit Shirton. Bougez pas.
    *
    Le soir, alors qu’ils avaient été instamment priés d’y prendre part, les deux Français s’abstinrent d’assister au festin ordonné par le prince. Bien qu’ils eussent excipé de la gravité de leurs blessures – ce dont personne ne pouvait douter -, Tristan se demanda s’il n’avait pas commis un affront en répondant au héraut Chandos, le messager des Anglais, qu’il préférait se mettre au lit le ventre vide que s’attabler devant des mets délicieux, entre deux affables gentilfames. Puis, résumant sa journée avec la lucidité supérieure d’un vainqueur, il avait ajouté :
    « Mon otagerie a cessé, messire. Le prince Édouard s’était aconvenancé 180 à me rendre la liberté si je triomphais de ses hommes liges… ce que j’ai fait devant lui, devant vous, devant tous. »
    Il avait, disant cela, concilié son aise et sa joie d’être libre ou quasiment tel avec les exigences de la courtoisie. Il doutait cependant que l’homme député par Jean Chandos au nom du prince lui sût bon gré de sa franchise.
    – Dois-je faire confiance à Édouard, Robert ? questionna-t-il quand le héraut s’en fut allé.
    Un sentiment irraisonné de menace tourmentait son esprit aussi intensément que le mal sa chair entrouverte. Il commençait à regarder autour de lui d’un autre œil que les jours précédents, et plus encore que son écuyer, il avait grand-hâte de franchir l’invisible barrière qui le séparait de la vraie liberté. On lui avait fait une renommée. Par la lance et par l’épée, il en avait fourni confirmation. Il redoutait d’en subir les néfastes conséquences.
    – Croyez-vous que Berland sera de ce repas ? interrogea Paindorge allongé de tout son long sur son lit.
    – Il a été navré, lui aussi, à l’épaule. Je le crois plus Anglais qu’il ne me l’a dit… Il m’est indifférent.
    – Pensez-vous que le gros Édouard tiendra sa promesse ?
    – Les princes peuvent se parjurer, les rois aussi… Peu leur chaut de se démentir dès le moment où ils satisfont toutes sortes d’envies… Je crains les emportements de cet homme tout autant que ses déceptions.
    Tristan

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