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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’une monture dérogeante.
    – Les Anglais, Robert, montent aussi des mâles. C’est d’ailleurs la devise du Bleu Gertier 183  : Honni soit qui mâle y pense.
    Tristan fut le seul à rire d’une lobe 184 que Tancrède avait dû maintes fois employer. Paindorge resta coi. Il était prêt à subir et pardonner tous les mépris et injonctions de cette femme dont le seul mérite, selon lui, se réduisait à sa beauté.
    – Je ne suis point losengier 185 , dame, dit-il. Il faudra vous y faire comme je me ferai à vos aiguillons.
    Quand Aylward eut bâté les armures et posé sur les fardelles qui les contenaient deux gros bissacs apportés par Tancrède, il s’inclina et joignit ses mains à plat sur sa poitrine :
    – Dieu vous garde tous, dit-il simplement. Défiez-vous des routiers… et de vous-mêmes.
    – Merci du conseil, dit Paindorge, malade de crainte et d’incertitude.
    Tristan regarda les fenêtres, les portes, le jardin de la demeure de Calveley. Se reverraient-ils un jour ?
    « Non… Je ne hanterai plus les champs de bataille ! »
    Des regrets confus, sans nom, sans origine, le saisirent avec une telle violence qu’il ne sut comment réprimer leur assaut. Les dures, les pernicieuses volontés du destin le contraignaient une fois encore à noqueter 186 et brousser 187 vers des contrées qui sans doute seraient aussi hostiles à sa venue que toutes celles qu’il avait abandonnées. Le passé, le présent et l’avenir fusionnèrent en une unique et puissante détresse. Il se dit que c’était pour une raison précise – mais laquelle ? – que le hasard – ce ne pouvait être Dieu ! – avait placé Tancrède sur son chemin et, une fois de plus, il éprouva la sensation d’être emporté inexorablement vers d’autres déceptions, douleurs, faillites et deuils pires peut-être que ceux qui l’avaient accablé. La pitié qu’il s’inspirait à lui-même commençait à l’indigner lorsque Tancrède y mit un terme.
    – Eh bien, dit-elle, es-tu prêt ?
    Il l’était.
    John attendait, noir dans les ténèbres de l’entrée. Tancrède ouvrit le grand huis et sauta en selle après avoir repoussé Paindorge qui voulait lui tenir l’étrier. Tristan vit une épée d’arçon suspendue à la selle d’homme. L’écuyer l’aperçut et dit à mi-voix :
    –  La lame use le fourreau… mais c’est parfois l’inverse : l’estoc s’ébrèche à trop heurter la bouterolle.
    –  Si tu savais ses goûts…
    Avec l’aide de l’écuyer, Tristan se jucha sur Malaquin.
    – Votre épaule ?
    – Ne t’inquiète point, Robert. Excepté ce bras impotent, mes autres membres sont en état…
    Et mécontent de lui, mécontent de Paindorge, Tristan mena Malaquin à la suite de Tancrède.

V
     
     
     
    L’aube entre les rameaux montra son museau rose. Des lointains vaporeux surgirent quelques boqueteaux que le vent, quoique léger, défeuillait de souffle en souffle. La fraîcheur nocturne persistait. Les perles qui s’égouttaient des ramures pailletaient de leur nacre fragile les vêtements humides d’une petite pluie tombée vers la mi-nuit. Les chevaux et la mule s’ébrouaient parfois ensemble.
    – Croyez-vous qu’ils nous suivent ? demanda Paindorge à Tristan.
    – Il se peut, dit Tancrède. Je connais les courroux d’Édouard. Ils sont terribles.
    Sitôt franchie la porte de la seconde enceinte et dans la conjecture d’un pourchas entrepris au nord, elle avait décidé de chevaucher vers l’est en espérant y rencontrer tôt ou tard quelques-unes des compagnies françaises qui, disait-on à Bordeaux, allaient incessamment repartir en guerre contre l’Angleterre et s’en prendre en premier au duché d’Aquitaine. Était-ce vrai ? Était-ce faux ? Il fallait cheminer au moins deux jours et deux nuits vers le Levant, puis s’engager dans une voie, n’importe laquelle, à senestre, et brousser (389) vers le nord.
    – Personne ou presque, Tristan. Quelques loudiers 188 dans les champs, plus craintifs que des souriceaux… Et pourtant nous ne sommes en rien effrayants. Tout notre avoir est sur la mule…
    – Tu ne regrettes pas l’abandon de tes biens ?
    Tancrède eut un rire bref qui, pour Tristan, dissimulait des plaies secrètes qu’elle se garderait – bien sûr -de lui révéler.
    – Non… Je ne suis ni comme Constance, la femme de Robert Knolles, ni comme Jeanne, l’épouse du Trastamare auxquelles il faut une armée pour assurer le

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