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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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passavants sont des contre-façons… Allons, Tristan, habille-toi… Veux-tu que je t’aide ?
    Il se laissa vêtir, attoucher au passage par des doigts doux comme des fleurs. Il sentait la vie renaître à pleins flots dans ses veines cependant qu’il se demandait s’ils parviendraient à franchir aisément les doubles portes de Bordeaux. Il voyait à peine Tancrède : la lune, cette nuit, était blême et discrète, mais il imaginait son visage aux traits purs, ses sourcils froncés, sa bouche succulente. Comme elle se penchait pour l’aider à chausser une heuse et qu’il voulait effleurer sa nuque, il fit choir le chaperon noir et suffoqua de surprise.
    – Tu as coupé tes cheveux !
    – Je me sens renaître ainsi. Je veux rentrer dans Rechignac telle que le jour où j’en suis partie. Quand l’aube crèvera, tu me diras comment je suis, bien que je sache dès maintenant que je serai à ta convenance.
    Elle eût pu affirmer : « Tu me trouveras belle », mais elle avait pour elle-même la même partialité que pour ses gentes amies dont elle déclarait tout à coup :
    – Elles vont verser des pleurs comme si j’étais morte.
    « Elles m’abomineront », se dit Tristan.
    Il était vêtu. Vif et précis comme toujours, Paindorge avait entassé les armures dans les quatre fardelles et bouclé sa ceinture d’armes. Il offrit Teresa à Tancrède et Tristan se laissa ceindre.
    – Hé ! Hé ! dit-il pour rompre un silence ennuyeux. Ai-je deux écuyers, désormais ?
    Il ne subordonnait pas sa raillerie à ce geste toujours viril de la cinction de l’épée. Il n’impliquait, en l’occurrence, qu’un sentiment de ferveur ou de possession. Quant à Paindorge, il était incapable de prendre ombrage du geste de Tancrède et d’une opinion lancée sur un ton de gaieté factice. Jamais une femme ne lui ferait concurrence : il avait l’esprit trop nettoyé des sentiments adventices pour qu’il se déclarât son ennemi. Oh ! Certes, il songeait à Luciane esseulée, telle une princesse lointaine, entre les murs gris de Gratot. Mais il était un homme : à Séville, il n’avait sans doute point tenu sa chasteté en laisse.
    – Que vont dire Aylward et ses compères ? Shirton et Calveley ?
    – Rien, Robert, répondit familièrement Tancrède. C’est Hugh lui-même qui m’a confié son inquiétude à votre sujet. Je lui ai dit que je vous mettrais en lieu sûr dès cette nuit.
    – Le faussaire…
    –  La faussaire… Je la connais depuis que je vis à Bordeaux. Sentant pour vous le danger depuis deux jours, je m’étais précautionnée à l’avance.
    Tancrède rayonnait d’une espèce d’ardeur. En elle, la femme noble disposant de tout, voire du superflu, ne paralysait pas l’aventureuse. Par une idée peut-être exagérée de sa séduction, elle était capable de tout. Ce qui subsistait de français dans son âme lui avait interdit de poursuivre une vie aisée dont elle n’ignorait point la stérilité. Elle avait soudain relégué au plus profond de son cœur les joies affadies et les passions tièdes à force de répétitions. La promesse d’une autre vie ou d’une fin de vie meilleure avait tressailli en elle. Il semblait qu’elle commandât aux événements plutôt que d’être ce fétu qu’ils emportaient sur leur passage.
    – Descendons, dit-elle en saisissant une fardelle où tressaillaient et tintaient quelques plates.
    Tristan voulut l’aider, elle s’y opposa :
    – Songe à ton épaule. Garde tes forces. Il n’est pas dit que nous chevaucherons sur une jonchée de roses et que tu n’auras pas à manier l’épée.
    Quand elle s’engagea dans l’écurie où Aylward, inquiet, avait sellé les chevaux et bâté la mule, elle crut bon de rassurer le soudoyer :
    J’ai trois sauf-conduits, beau gars, mais il se peut que je n’aie pas à les montrer. Dis à Hugh qu’il nous fallait partir ainsi vers le Pierregord. Sois quiet pour ta mule : j’en prendrai soin.
    Elle disposait sans doute d’importantes complicités obtenues… Comment ?
    « Au diable », songea Tristan, « mes pensées d’inquisiteur. Je ne suis pas son époux ! »
    –  Votre cheval, dame ? demanda Paindorge.
    – John m’attend dans la cour.
    – Ah ! fit l’écuyer, c’est un mâle. Je pensais à une jument. On m’avait dit que les Anglais montaient souvent des femelles.
    Pour les Français, une jument, quelle que fut sa vigueur et sa beauté, ne pouvait être

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