Le pays de la liberté
refermer les portes, mais ils renoncèrent et celles-ci s'ouvrirent toute grandes. Les uns passèrent par-dessus les murs, d'autres essayèrent lamentablement de se mettre à couvert parmi les tas de charbon ou derrière les roues d'une charrette. C'était comme tirer des poulets dans une basse-cour. McAsh apparut soudain sur la crête du mur, une silhouette aux épaules larges, le visage éclairé par la lune. Árrêtez!
cria-t-il. Ne tirez pas ! ª
Va au diable, se dit Jay. Il abaissa son épée en ordonnant : ´ Feu ! ª
Les mousquets claquèrent comme un grondement de tonnerre. Un voile de fumée se déploya qui cacha un moment les soldats. Dix ou douze dockers s'écroulèrent, les uns avec des cris de douleur, les autres dans un silence mortel. McAsh sauta à bas du mur pour s'agenouiller auprès du corps inerte et ensanglanté d'un Noir. Il leva les yeux et son regard rencontra celui de Jay : la rage qu'on pouvait lire sur son visage glaça le sang de Jay.
Jay cria : Ćhargez ! ª
Les dockers attaquèrent les gardes avec une fureur qui surprit Jay. Ils esquivaient épées et mousquets pour se battre au corps à corps, en se servant de b‚tons, de morceaux de charbon, de leurs poings et de leurs pieds. Jay fut consterné de voir tomber à terre quelques uniformes.
Il chercha des yeux McAsh mais ne parvint pas à le trouver.
Jay poussa un juron. Tout le but de cette opération était d'arrêter McAsh.
Et puis, soudain, McAsh surgit devant lui.
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Au lieu de s'enfuir, l'homme se lançait à la poursuite de Jay.
McAsh empoigna la bride de Jay. Celui-ci leva son épée et McAsh esquiva le coup en plongeant à gauche. La lame s'abattit mais manqua son but. McAsh bondit, s'agrippa à la manche de Jay et tira. Jay essaya de dégager son bras mais McAsh ne l‚chait pas prise. Avec une fatalité inéluctable, Jay glissait de côté sur sa selle. McAsh fit un puissant effort et le fit tomber de son cheval.
Jay tout d'un coup craignit pour sa vie. Il parvint à retomber sur ses pieds. Aussitôt les mains de McAsh se resserrèrent autour de son cou. Il tira son épée mais McAsh lui donna un violent coup de tête. Jay fut un instant aveuglé et sentit du sang ruisseler sur son front. Il donnait des coups d'épée dans tous les sens ; il finit par toucher quelque chose et crut avoir blessé McAsh, mais l'étreinte sur sa gorge ne se rel‚chait pas.
Il retrouva la vue: regardant McAsh droit dans les yeux, il y lut une flamme de meurtre. Il était terrifié : s'il avait pu parler, il aurait demandé gr‚ce.
Un de ses hommes vit qu'il était en difficulté et frappa à toute volée avec la crosse de son mousquet. Le coup toucha McAsh à l'oreille. Son emprise un instant se fit moins forte puis elle reprit de plus belle. Le soldat frappa encore. McAsh essaya d'esquiver le coup, mais il ne fut pas assez rapide et la lourde crosse en bois du fusil le heurta avec un craquement qu'on entendit par-dessus le tumulte de la bataille. Une fraction de seconde, McAsh renforça son étreinte et Jay se mit à étouffer comme un homme qui se noie. Puis les yeux de McAsh roulèrent dans leurs orbites. Ses mains glissèrent du cou de Jay et il s'affala sur le sol, sans connaissance.
Jay reprit tant bien que mal son souffle et s'appuya sur son épée. Peu à
peu, sa terreur se dissipa. Il avait le visage en feu : McAsh avait d˚ lui casser le nez. Mais, en regardant l'homme effondré sur le sol à ses pieds, il n'éprouvait que de la satisfaction.
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23
Cette nuit-là, Lizzie ne dormit pas.
Jay lui avait dit qu'il pourrait y avoir des incidents et elle resta assise dans leur chambre à l'attendre, un roman ouvert sur ses genoux mais qu'elle ne lisait pas.
Il rentra au petit matin, couvert de sang et de poussière et un pansement sur le nez. Elle était si heureuse de le voir vivant qu'elle se jeta à son cou et le serra contre elle, maculant de taches son peignoir de soie blanche.
Elle réveilla les domestiques pour commander de l'eau bouillante. Il lui raconta par le menu le récit de l'émeute tandis qu'elle l'aidait à se dépouiller de son uniforme souillé, qu'elle épongeait son corps meurtri et lui trouvait une chemise de nuit propre.
Plus tard, quand ils furent allongés côte à côte dans le grand lit à
colonnes, elle demanda d'un ton hésitant. Ćroyez-vous que McAsh va être pendu ?
- Je l'espère bien, dit Jay en t‚tant son pansement d'un doigt prudent.
Nous avons des témoins pour affirmer qu'il
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