Le pays de la liberté
hélas, tout à l'opposé de ce qu'avait espéré Jay. La Virginie avait besoin d'un gouverneur
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énergique et austère qui ferait impression sur les colons mutins, mais Botetourt se révéla être un gros homme fort aimable : on aurait dit un négociant en vin prospère accueillant ses clients pour une dégustation.
Jay le regarda saluer ses invités dans la longue salle de bal. L'homme ne se doutait absolument pas des complots subversifs qui se tramaient dans l'esprit des planteurs.
Bill Delahaye était là. Il serra la main de Jay. ´ que pensez-vous de notre nouveau gouverneur ?
- Je ne suis pas s˚r qu'il comprenne à quoi il s'est attaqué, dit Jay.
- Il est peut-être plus malin qu'il n'en a l'air, répondit Delahaye.
- Je l'espère.
- Il y a une grande partie de cartes demain soir, Jamisson : voudriez-vous que je vous emmène ? ª
Jay n'avait pas joué depuis son départ de Londres. ´Volontiers.ª
Dans la salle à manger derrière la salle de bal, on servait du vin et des p
‚tisseries. Delahaye présenta Jay à quelques autres invités. Un homme robuste à l'air prospère, ‚gé d'une cinquantaine d'années, dit d'un ton froid: ´Jamisson? Les Jamisson d'Edimbourg?ª
Jay était certain de n'avoir jamais rencontré ce personnage; pourtant son visage lui parut vaguement familier. ´ Ma résidence familiale est Jamisson Castle à Fife, répondit Jay.
- Le ch‚teau qui appartenait jadis à William McClyde ?
- En effet. ª Jay se rendit compte que l'homme lui rappelait Robert : il avait les mêmes yeux clairs et la bouche énergique. ´Je ne crois malheureusement pas avoir entendu votre nom...
- Je suis Hamish Drome. Ce ch‚teau aurait d˚ être le mien. ª
Jay était stupéfait. Drome était le nom de famille 360
d'Olive, la mère de Robert. ´Vous êtes donc le parent disparu qui est parti pour la Virginie !
- Vous devez être le fils de George et d'Olive.
- Non, c'est mon demi-frère, Robert. Olive est morte et mon père s'est remarié. Je suis le cadet.
- Ah! Et Robert vous a poussé hors du nid, tout comme sa mère l'a fait avec moi. ª
II y avait dans les remarques de Drome un accent un peu insolent, mais Jay était intrigué par ce que l'homme sous-entendait. Il se rappelait les révélations d'ivrogne faites par Peter McKay lors du mariage. ´J'ai entendu dire qu'Olive avait falsifié le testament.
- Je pense bien... et elle a aussi assassiné oncle William.
- quoi?
- Sans aucun doute. William n'était pas malade. C'était un hypocondriaque, qui se plaisait simplement à croire qu'il était souffrant. Il aurait d˚
vivre jusqu'à un ‚ge avancé. Mais, six mois après l'arrivée d'Olive, il avait modifié son testament et il était mort. Cette femme est un fléau.
- Ah !ª Jay éprouvait une étrange satisfaction. La sacro-sainte Olive, dont le portrait était accroché à la place d'honneur dans le hall de Jamisson Castle, était une meurtrière. Jay n'avait jamais aimé la façon dont on la révérait : il accueillit donc avec satisfaction cette révélation. Álors, vous n'avez rien eu? demanda-t-il à Drome.
- Pas un arpent. Je suis arrivé ici avec six douzaines de paires de bas en laine de Shetland et je suis aujourd'hui le plus grand chemisier de Virginie. Je n'ai jamais écrit au pays. J'avais peur qu'Olive ne trouve un moyen de me prendre ça aussi.
- Mais comment aurait-elle pu ?
- Je ne sais pas. Simple superstition, peut-être. Je suis heureux d'apprendre qu'elle est morte. Est-ce que son fils lui ressemble ?
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- J'ai toujours trouvé qu'il ressemblait à mon père. Il est d'une avidité
insatiable.
- Si j'étais vous, je ne lui donnerais pas mon adresse.
- Il va hériter de toutes les affaires de mon père : je ne peux pas imaginer qu'il voudrait ma petite plantation en plus.
- N'en soyez pas si s˚rª, fit Drome. Mais Jay pensa qu'il dramatisait les choses.
Jay n'eut le gouverneur Botetourt pour lui tout seul qu'à la fin de la soirée, au moment o˘ les invités sortaient par le jardin. Il prit le gouverneur par la manche et lui dit à mi-voix : ´ Je tiens à ce que vous sachiez que je suis totalement fidèle à votre personne et à la Couronne.
- Splendide, splendide, fit Botetourt d'une voix forte. C'est bien aimable à vous de me le dire.
- Je suis arrivé ici récemment et j'ai été scandalisé par l'attitude des hommes les plus importants de la colonie... scandalisé. quand vous serez prêt à écraser la traîtrise et à
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