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Le pays de la liberté

Le pays de la liberté

Titel: Le pays de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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mangeait donc du bout des lèvres et attendait.
    Mr. Cheshire se révéla une présence quelque peu embarrassante. Il rota bruyamment à deux ou trois reprises, il renversa son bordeaux et Jay le surprit à plonger manifestement son regard dans le corsage de sa voisine.
    On s'était mis à table à trois heures et, quand les dames se retirèrent, l'après-midi hivernal se terminait avec les premières ombres de la soirée.
    Dès qu'elles furent parties, Sir George se carra dans son fauteuil et l‚cha un pet volcanique. ´ «a fait du bien ª, observa-t-il.
    Un serviteur apporta une bouteille de porto, un pot de tabac et une boîte de pipes en terre. Le jeune cler-gyman bourra une pipe et dit: ´Lady Jamisson est une sacrée bonne femme, Sir George, si vous permettez. Sacrée bonne femme. ª II semblait ivre, mais, même dans son état, on ne pouvait laisser passer une
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    telle remarque. Jay vola au secours de sa mère. ´Je vous serais obligé de ne pas en dire plus sur Lady Jamisson, monsieurª, dit-il d'un ton glacial.
    Le clergyman approcha une bougie de sa pipe, aspira et se mit à tousser.
    C'était manifestement la première fois qu'il fumait. Des larmes lui vinrent aux yeux, il s'étouffa, crachota et se remit à tousser. Ses quintes le secouèrent si fort que sa perruque et ses lunettes tombèrent : Jay vit aussitôt que ce n'était pas un clergyman.
    Il éclata de rire. Les autres le regardaient avec curiosité. Ils ne s'étaient encore aperçus de rien. ´Regardez! fit-il. Vous ne voyez donc pas qui c'est?ª
    Robert fut le premier à comprendre. ´Bonté divine, c'est Miss Hallim déguisée ! ª dit-il. Il y eut un moment de silence stupéfait. Puis Sir George éclata de rire. Les autres, voyant qu'il allait prendre cela à la plaisanterie, firent chorus.
    Lizzie but une gorgée d'eau, toussa encore. Comme elle se remettait, Jay admira son déguisement. Les lunettes avaient caché ses yeux bruns et les boucles de la perruque avaient en partie masqué son joli profil. Une cravate de lin blanc lui épaississait le cou et couvrait la peau délicate de sa gorge. Elle avait utilisé du charbon de bois ou Dieu sait quoi pour donner à ses joues cet aspect grêlé et elle avait tracé sur son menton quelques poils follets comme la barbe d'un jeune homme qui ne se rase pas encore tous les jours. Dans la pénombre des salles du ch‚teau, par un sombre après-midi d'hiver en Ecosse, ils avaient tous été dupes de son déguisement.
    ´Ma foi, dit Sir George, quand elle eut cessé de tousser, vous avez donné
    la preuve que vous pouviez passer pour un homme. Mais vous ne pouvez quand même pas descendre dans la mine. Allez chercher les autres dames et nous allons offrir à Jay son cadeau d'anniversaire. ª Pendant quelques minutes, Jay avait oublié son angoisse, mais elle revint soudain comme un coup de poing.

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    Ils retrouvèrent les femmes dans le hall. La mère de Jay et Lizzie riaient à gorge déployée : Alicia manifestement était dans la confidence, ce qui expliquait son petit sourire avant le déjeuner. La mère de Lizzie n'était pas au courant et elle avait un air glacial.
    Sir George leur fit franchir la porte principale. C'était le crépuscule. La neige avait cessé. ´Tiens, dit Sir George, voici ton cadeau d'anniversaire.
    ª
    Devant la maison, un garçon d'écurie tenait par la bride le plus magnifique cheval que Jay e˚t jamais vu. C'était un étalon blanc d'environ deux ans, avec les lignes élancées d'un cheval arabe. …nervé par tant de monde, il faisait des sauts de côté, obligeant le palefrenier à tirer sur la bride pour le faire tenir tranquille. Il avait une lueur sauvage dans les yeux et Jay sut aussitôt qu'il devait filer comme le vent.
    Il était éperdu d'admiration, mais la voix de sa mère fit irruption dans ses pensées comme un coup de couteau. Ć'est tout?
    - Voyons, Alicia, dit Père, j'espère que vous n'allez pas vous montrer ingrate...
    - C'est tout?ª répéta-t-elle. Et Jay vit que la rage lui crispait le visage.
    Óuiª, reconnut-il.
    L'idée n'était pas venue à Jay qu'on lui offrait ce présent au lieu du domaine de la Barbade. Comprenant peu à peu, il dévisagea ses parents. Il se sentait envahi d'une telle amertume qu'il n'arrivait pas à parler.
    Sa mère le fit pour lui. Jamais il ne l'avait vue si en colère. Ć'est votre fils ! dit-elle, d'une voix vibrante de fureur. Il a vingt et un ans... il a droit à sa part d'héritage... et vous lui donnez un

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