Le pays de la liberté
baiser. Ce petit geste galant la combla d'aise.
Il se retourna pour la guider mais sans lui l‚cher la main. Elle ne savait trop comment réagir, mais elle n'avait pas le temps d'y réfléchir. Elle devait s'attacher à rester debout. Elle pataugeait dans l'épaisse poussière de charbon et elle en sentait le go˚t dans l'air. La vo˚te par endroits était basse et elle devait souvent se courber. Elle comprit que c'était une nuit fort déplaisante qui l'attendait.
Elle essaya d'oublier tout cet inconfort. De chaque côté, la lueur de la chandelle vacillait dans les brèches entre deux larges piliers : cela lui rappelait une messe de minuit dans une grande cathédrale. Jay expliquait: Ćhaque mineur attaque une section d'environ douze pieds de large du filon de houille, qu'on appelle le front de taille. Entre un front et un autre, on laisse une colonne de charbon d'environ seize pieds carrés pour soutenir la vo˚te. ª
Lizzie se rendit compte soudain qu'il y avait au-dessus de sa tête deux cent dix pieds de terre et de rocher qui risquaient de s'effondrer sur elle si les mineurs n'avaient pas fait soigneusement leur travail ; elle dut faire un effort pour réprimer un sentiment de panique. Machinalement, elle pressa la main de Jay, qui à son tour la serra bien fort. Elle prit conscience alors qu'ils se tenaient les mains. Elle constata qu'elle aimait cela.
Les premiers fronts de taille qu'ils passèrent étaient déserts, sans doute épuisés, mais, au bout d'un moment, Jay s'arrêta auprès d'un endroit o˘ un homme creusait. Lizzie fut surprise de voir que le mineur n'était pas debout : allongé sur le côté, il atta-79
quait le front de taille au niveau du sol. Une chandelle plantée dans un bougeoir en bois près de sa tête jetait devant lui une lumière vacillante.
Malgré sa position incommode, il maniait son pic avec force. ¿ chaque coup, il enfonçait la pointe dans la houille et en arrachait des morceaux. Il faisait devant lui une indentation de deux à trois pieds de profondeur.
Liz-zie fut horrifiée de voir qu'il était couché dans l'eau courante qui suintait du front de taille, ruisselait sur le sol et s'écoulait dans la rigole qui courait tout le long de la galerie. Elle trempa les doigts dans le petit caniveau: l'eau était glacée. Le mineur pourtant avait ôté sa veste et sa chemise : il travaillait en culotte et pieds nus. Et elle voyait sur ses épaules noircies ruisseler la transpiration.
La galerie n'était pas d'aplomb : elle montait et descendait, pour suivre la veine de charbon, supposa Liz-zie. La galerie maintenant commençait à
monter de façon plus abrupte. Jay s'arrêta et montra devant eux un mineur qui faisait quelque chose avec une chandelle. ÍI vérifie qu'il n'y a pas de grisou ª, dit Jay.
Lizzie lui l‚cha la main et s'assit sur un rocher, pour soulager son dos endolori à force de marcher
courbée.
´ Vous allez bien ? fit Jay.
- Très bien. qu'est-ce que le grisou ?
- Un gaz inflammable.
- Inflammable?
- Oui... c'est ce qui provoque la plupart des explosions dans les mines de charbon. ª
Voilà qui paraissait insensé. Ś'il est explosif, pourquoi utilisent-ils une chandelle ?
- C'est la seule façon de déceler la présence du gaz : on ne peut ni le voir ni le sentir. ª
Le mineur levait lentement la bougie vers la vo˚te et semblait avoir le regard fixé sur la flamme.
´ Le gaz est plus léger que l'air, il se concentre donc au niveau de la vo˚te, reprit Jay. En petites quantités, il donne une teinte bleutée à la flamme de la chandelle.
- Et qu'est-ce que fera une grande quantité ?
- «a nous expédiera dans l'autre monde. ª Pour Lizzie, ce fut la goutte d'eau qui fit déborde
le vase. Elle était sale, épuisée, elle avait la bouch pleine de poussière de charbon et voilà maintenari qu'elle courait le risque d'être victime d'une expie sion. Elle se dit de garder son calme. Avant de veni ici, elle savait que l'extraction du charbon était ui métier dangereux et qu'elle n'avait qu'à ne pa s'énerver. Les mineurs descendaient toutes les nuit, sous terre : elle aurait quand même le courage d< venir ici une fois ?
Ce serait la dernière : de cela, elle ne doutait pas Ils observèrent l'homme quelques instants. Il avance de quelques pas dans le tunnel, puis répéta son expé rience. Lizzie était déterminée à ne pas montrer Se peur.
S'efforçant de garder un ton normal, elle dit Ét s'il trouve du grisou...
que se passe-t-il
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