Le pays de la liberté
sui un monceau de charbon, armé d'une large pelle, i ramassait des morceaux d'anthracite en travaillant i un rythme régulier. C'était très dur: il avait mal au> bras et ruisselait de transpiration, mais il se sentail bien. Il était jeune et fort, il gagnait de l'argent et i n'était l'esclave de personne.
Il faisait partie d'un groupe de seize dockers, courbés sur leurs pelles, qui grommelaient, juraient el échangeaient des plaisanteries. La plupart des autres étaient de jeunes garçons de ferme irlandais : le travail était trop dur pour des citadins. ¿ trente ans, Dermot était le plus vieux de la bande.
Mack avait l'impression de ne pas pouvoir échapper au charbon. Mais c'était cela qui faisait tourner
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le monde. Tout en travaillant, il pensait aux endroits o˘ allait ce charbon: à tous les salons de Londres qu'il allait chauffer, aux milliers de fourneaux dans les cuisines, à toutes les boulangeries et à toutes les brasseries qu'il allait alimenter. La ville dévorait le charbon avec un appétit qui n'était jamais satisfait. On était samedi après-midi et l'équipe avait presque vidé son charbonnier, le Black Swan de Newcastle.
Mack se plaisait à calculer combien il allait toucher ce soir. C'était le second navire qu'ils déchargeaient cette semaine et on les payait seize pence, un penny par homme pour vingt sacs de charbon. Un homme robuste avec une grande pelle pouvait remplir un sac en deux minutes. Chaque homme, estima-t-il, avait d˚ gagner brut six livres.
Toutefois, il y avait des déductions. Sidney Lennox, l'intermédiaire ou éntrepreneurª, faisait porter à bord de vastes quantités de bière et de gin pour les hommes. Ils devaient boire beaucoup pour remplacer les litres de liquide qu'ils perdaient en transpirant, mais Lennox leur donnait plus que nécessaire : la plupart des hommes buvaient, même sans soif. Aussi y avait-il en général au moins un accident avant la fin de la journée. Et il fallait payer l'alcool. Mack ne savait donc pas très bien ce qu'on allait lui verser quand il ferait la queue ce soir-là à la taverne du Soleil pour toucher sa paye. Pourtant, même si la moitié de l'argent passait en déductions - une estimation certainement troo élevée - le solde serait encore le double de ce qu'un mineur gagnait en une semaine de six jours.
¿ ce train-là, il pourrait dans quelques semaines faire venir Esther. Alors sa jumelle et lui seraient libres de tout esclavage. Son cúur bondit à cette idée.
¿ peine s'était-il installé chez Dermot qu'il avait écrit à Esther, et elle avait répondu. Dans toute la vallée, disait-elle, on ne parlait que de son évasion.
Certains des jeunes ouvriers de la mine essayaient de rassembler des signatures pour une pétition qu'ils adresseraient au Parlement anglais afin de protest contre l'esclavage dans les mines. Annie avait épou Jimmy Lee. Mack en éprouva un petit pincement < regret. Il ne roulerait plus jamais dans la bruyè avec elle. Mais Jimmy Lee était un brave gars. Pev être la pétition amorcerait-elle le début d'un chang ment. Peut-être les enfants de Jimmy et d'Ann seraient-ils libres.
Les derniers morceaux de charbon furent pelleti dans des sacs et entassés sur une barque qui ramera jusqu'à la rive pour aller déverser le charbon dans v entrepôt. Mack étira son dos endolori et posa sa pel sur son épaule.
quand il arriva sur le pont, l'air froi le gifla : il passa sa chemise et le manteau de fourrui que lui avait donné Lizzie Hallim. Les dockers reg; gnèrent le rivage avec les derniers sacs, puis s'e allèrent au Soleil pour toucher leur paye.
Le Soleil était une taverne fréquentée par de matelots et des dockers. Le sol en terre battue éta boueux, les bancs et les tables étaient tachés et déh brés, et le feu dégageait plus de fumée que de chz leur. Le patron, Sidney Lennox, était un joueur et il avait toujours une partie en train : cartes, dés ou ui jeu compliqué avec un plateau et des jetons. Le seu avantage de l'endroit, c'était Black Mary, la cuisi nière africaine, qui utilisait des coquillages et des ba morceaux de viande pour confectionner de solide rago˚ts bien épicés que les clients adoraient.
Mack et Dermot furent les premiers à arriver. Il trouvèrent Peg assise au comptoir, les jambes croi sées sous elle, en train de fumer du tabac de Virgin˘ dans une pipe en terre. Elle habitait au Soleil, dor mant sur le sol dans un coin du bar. Lennox était ur receleur
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