Le pays des grottes sacrées
déconcertée d’être aussi vite interrogée, elle répondit sans
hésitation :
— Cela dépend de la cassure
et du temps écoulé. Si elle est ancienne, on ne peut pas faire grand-chose. Un
os guéri, même tordu, est souvent plus solide qu’un os qui n’a pas été brisé.
Si on essaie de le recasser pour le redresser, on risque d’abîmer l’os
davantage. Mais si la cassure commence seulement à se refermer, on peut quelquefois
briser de nouveau l’os et le redresser…
— Tu l’as fait ?
demanda-t-il.
Il était un peu déconcerté par la
façon étrange dont elle parlait, différente de celle de la jolie compagne de
Kimeran, qui accentuait agréablement certains sons. L’étrangère qu’avait
ramenée Jondalar les avalait presque, au contraire.
— Oui, répondit Ayla.
Elle avait le sentiment qu’on la
mettait à l’épreuve, un peu comme le faisait Iza lorsqu’elle l’interrogeait sur
les pratiques de guérisseuse et l’usage des plantes.
— En venant ici, nous avons
fait halte pour rendre visite à un peuple que Jondalar avait rencontré
auparavant, les Sharamudoï. Près d’une lune avant notre arrivée, une femme
qu’il connaissait avait fait une mauvaise chute et s’était cassé le bras. Il
avait mal guéri et était si tordu qu’elle ne pouvait pas s’en servir et qu’elle
souffrait beaucoup. Leur guérisseuse était morte au début de l’hiver, ils ne
l’avaient pas encore remplacée et personne d’autre ne savait comment faire.
J’ai réussi à casser de nouveau l’os et à le remettre en place. Ce n’était pas
parfait, mais la femme pourrait se servir de son bras et il ne lui faisait plus
mal quand nous sommes repartis.
— Elle a souffert quand tu
as recassé l’os ? voulut savoir une des jeunes femmes.
— Je ne crois pas. Je lui
avais donné une plante pour la faire dormir et détendre ses muscles. Je la
connais sous le nom de datura…
— Datura ?
l’interrompit le vieil homme, surpris de nouveau par son accent.
— Les Mamutoï la désignent
par un mot qui signifie « pomme épineuse » en zelandonii, parce
qu’elle porte un fruit qu’on peut décrire de cette façon. C’est une grande
plante au parfum puissant, avec de grandes fleurs blanches s’évasant à partir
de la tige.
— Je crois la connaître, dit
le vieux Zelandoni de la Septième Caverne.
— Comment savais-tu ce qu’il
fallait faire ? demanda la jeune femme assise à côté de lui, visiblement
étonnée qu’un simple acolyte puisse détenir un tel savoir.
— Bonne question, approuva
le doniate de la Septième. D’où tiens-tu ton expérience ? Tu sembles
connaître beaucoup de choses, malgré ta jeunesse.
Ayla se tourna vers la Première,
qui avait l’air ravie.
— Celle qui m’a recueillie
et élevée quand j’étais petite était une femme-médecine de son peuple, une
guérisseuse, répondit Ayla. Elle m’a formée pour que j’en devienne une. Les
hommes du Clan chassent avec une lance différente de celle des Zelandonii. Elle
est plus longue, plus épaisse. Généralement, ils ne la lancent pas, ils
frappent pour l’enfoncer dans leur proie, ce qui les oblige à s’en approcher.
C’est plus dangereux et ils sont souvent blessés. Parfois, les hommes du Clan
chassaient au loin et si l’un d’eux se brisait un os ils ne pouvaient pas
toujours rentrer immédiatement et l’os commençait à guérir sans avoir été remis
en place. J’ai plusieurs fois assisté Iza quand elle a dû recasser des os et
j’ai aussi aidé les femmes-médecine à faire la même chose au Rassemblement du
Clan.
— Ce peuple que tu appelles
le Clan, ce ne sont pas les Têtes Plates ? demanda le jeune homme.
Ayla avait déjà entendu cette
question, posée par ce même jeune homme, lui sembla-t-il. Elle lui fit la même
réponse :
— C’est ainsi que vous les
appelez.
— J’ai peine à croire qu’ils
ont de telles capacités.
— Pas moi. J’ai vécu avec
eux.
Après un silence gêné, la Première
changea de sujet :
— Je crois le moment tout
indiqué pour que les acolytes apprennent – ou, pour certains d’entre
eux, revoient – les mots à compter, leurs usages et significations.
Vous connaissez tous les mots à compter, mais comment faire lorsque les choses
à compter sont très nombreuses ? Zelandoni de la Deuxième Caverne, peux-tu
nous l’expliquer ?
L’intérêt d’Ayla s’accrut.
Soudain captivée, elle se pencha en avant. Elle
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