Le pays des grottes sacrées
lécher le visage. Elle sourit derechef, le repoussa et
tenta de s’asseoir. Elle émit un gémissement de douleur malgré elle et Marthona
arriva en toute hâte.
— Ayla ! Qu’est-ce qui
ne va pas ?
— Je n’ai jamais eu aussi
mal en tant d’endroits différents.
Marthona avait l’air si inquiète
que cela fit sourire Ayla.
— Je n’en mourrai pas, tu
sais.
— Tu as des bleus et des
égratignures partout, mais je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit de
cassé.
— Depuis combien de temps
suis-je ici ?
— Plus d’un jour. Tu es
arrivée hier en fin d’après-midi et le soleil vient de se coucher.
— Je suis partie
longtemps ?
— Je ne sais pas quand tu es
entrée dans la grotte, mais entre ton départ et ton retour il s’est écoulé plus
de trois jours, presque quatre.
Ayla hocha la tête.
— Je n’ai plus la notion du
temps. J’ai quelques bribes de souvenirs, quelques-uns très clairs. J’ai un peu
l’impression d’avoir rêvé, mais pas vraiment.
— Tu as faim ?
Soif ? demanda Marthona.
— J’ai soif, répondit Ayla,
qui se sentit aussitôt toute desséchée, comme si le seul fait de le dire lui
avait permis de se rendre compte combien elle était déshydratée. Très soif.
Marthona sortit et revint avec
une outre et une tasse.
— Tu veux t’asseoir ou
seulement que je te relève la tête ?
— Je préfère essayer de
m’asseoir.
Elle roula sur le côté pour
tenter d’étouffer ses gémissements, puis se releva sur un coude et s’assit au
bord de la couche. Elle eut un moment de vertige, puis cela passa. Elle
ressentait surtout une douleur intérieure. Marthona versa de l’eau dans la
tasse qu’Ayla prit à deux mains. Elle but d’un trait et la tendit pour qu’elle
la lui remplisse à nouveau. Elle était aussi assoiffée que lorsqu’elle avait bu
à l’outre en sortant de la caverne. Elle but, à peine plus lentement.
— Tu n’as toujours pas
faim ? Tu n’as encore rien mangé, dit Marthona.
— J’ai mal au ventre.
— J’imagine bien.
Marthona détourna le regard.
— Pourquoi devrais-je avoir
mal au ventre ?
— Tu saignes, Ayla. Tu as
sans doute des crampes, et peut-être autre chose.
— Je saigne ? Comment
cela se pourrait-il ? J’ai manqué trois lunes, je suis enceinte, je… Oh,
non ! s’écria Ayla. J’ai perdu mon bébé, c’est cela ?
— Je le crois. Je ne suis
pas experte en la matière, mais toute femme sait que l’on peut être enceinte et
saigner en même temps, du moins pas autant que tu l’as fait. Tu saignais quand
tu es sortie de la grotte et tu as saigné beaucoup depuis. Il va sûrement te
falloir du temps pour reprendre des forces. Je suis désolée, Ayla. Je sais que
tu voulais ce bébé.
— La Mère le voulait encore
plus, dit Ayla d’un ton monocorde, accablée par le chagrin.
Elle se rallongea et regarda
fixement le surplomb calcaire. Elle se rendormit à son insu.
En se réveillant, elle éprouva un
besoin pressant d’uriner. C’était manifestement la nuit, mais plusieurs lampes
étaient allumées. Elle regarda alentour : Marthona dormait sur des
coussins installés à côté de sa couche. Près d’elle, Loup la regardait, la tête
levée. Il a maintenant à veiller sur nous deux, pensa-t-elle. Elle se tourna
sur le côté, se redressa de nouveau et resta assise un moment au bord de la
couche avant d’essayer de se lever. Elle était raide et avait encore mal, mais
elle se sentait plus vigoureuse. Elle se mit debout avec précaution. Loup se
leva aussi. Elle lui fit signe de se recoucher, puis fit quelques pas vers le
vase de nuit près de l’entrée.
Elle aurait dû penser à prendre
de la bourre absorbante avec elle. Elle avait beaucoup saigné. Comme elle
retournait vers sa couche, Marthona lui en apporta.
— Je ne voulais pas te
réveiller, lui dit-elle.
— Ce n’est pas toi, c’est
Loup qui m’a réveillée, mais tu aurais dû le faire. Tu veux de l’eau ?
J’ai aussi du ragoût, si tu as faim.
— Je veux bien de l’eau et
peut-être un peu de ragoût, dit Ayla en repartant vers le vase de nuit pour
changer la bourre.
Le mouvement calma un peu la
douleur.
— Où veux-tu manger ?
demanda Marthona en boitillant vers le coin de l’habitation dévolu à la
cuisine. Au lit ?
Elle aussi était ankylosée et
endolorie. Dormir sur des coussins dans une mauvaise position avait aggravé son
arthrite.
— Non, je préfère
m’installer
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