Le pays des grottes sacrées
mais après avoir mangé elle est allée chez Levela pour jouer avec
Bokovan puisque tu n’étais pas encore de retour.
— J’étais à cheval, expliqua
Ayla.
— Jondalar est rentré, en
fin de compte, intervint Joharran. Il a réintégré le campement dans un drôle
d’état, il y a un petit moment. Je lui ai dit que tu le cherchais, mais il
s’est contenté de grommeler des mots incohérents.
Le regard d’Ayla était terne
lorsqu’elle pénétra dans le campement. Elle passa devant Zelandoni sans la
saluer, ni même la voir.
Celle-ci la fixa de son œil
d’aigle. Elle comprit aussitôt que quelque chose n’allait pas.
— Dis-moi, Ayla, on ne t’a
pas beaucoup vue depuis ton arrivée, fit la doniate, surprise de ne pas l’avoir
entendue lui adresser la parole la première.
— Non, en effet, dit Ayla.
Zelandoni comprit alors qu’Ayla
avait la tête ailleurs. Les grommellements de Jondalar avaient été parfaitement
clairs pour elle, même si elle n’avait pas compris le sens des mots. Ses actes
étaient suffisamment parlants. Elle avait également vu Marona émerger du petit
bois, la chevelure en désordre, mais pas par le chemin emprunté d’ordinaire par
la plupart des membres de la Neuvième Caverne. Entrée dans leur campement par
une autre issue, elle s’était rendue directement dans la tente qu’elle
partageait avec d’autres et avait commencé à empaqueter ses affaires,
expliquant à Proleva que des amis de la Cinquième Caverne lui avaient demandé
de s’installer avec eux.
Dès son tout début, la liaison de
Jondalar avec Marona n’avait pas échappé à Zelandoni. Elle n’y avait
initialement rien vu de bien méchant. Elle connaissait la profondeur des
sentiments de Jondalar pour Ayla, et avait estimé que son aventure avec Marona
ne représentait pour lui qu’une passade, un exutoire commode à un moment où,
ayant de lourdes tâches à accomplir, Ayla n’avait d’autres choix que de
s’absenter assez souvent. Mais elle n’avait pas pris en compte le désir
obsessionnel de Marona de le récupérer et de prendre sa revanche sur Ayla, ni
sa capacité à s’imposer insidieusement à lui. Leur attirance sur le plan
physique avait toujours été intense. Même dans le passé, cela avait représenté
le point fort de leur relation. C’était peut-être même la seule chose qu’ils
partageaient.
La doniate devina qu’Ayla ne
s’était sans doute pas remise complètement de l’épreuve qu’elle avait endurée
dans la grotte. Sa maigreur prononcée et son visage profondément marqué
auraient été des signes suffisamment révélateurs, même si ses yeux ne l’avaient
pas trahie. Zelandoni n’avait déjà vu que trop d’acolytes revenir d’un appel,
au sortir d’une grotte, ou d’une errance dans la steppe, pour ne pas être au
courant des dangers inhérents à l’épreuve. Elle-même avait d’ailleurs failli ne
pas y survivre. Dans la mesure où elle avait perdu un bébé au même moment, Ayla
souffrait très vraisemblablement de la même forme de mélancolie que
ressentaient la plupart des femmes après avoir accouché, et qui était plus
intense encore après une fausse couche.
Mais Celle Qui Était la Première
avait aujourd’hui lu dans les yeux d’Ayla plus que la douleur endurée dans la
grotte. Elle y avait lu la souffrance, la souffrance glaçante et acérée de la
jalousie, avec tous les sentiments qui allaient de pair : trahison,
colère, doute, peur.
Elle l’aime trop ; ce qui
n’est pas difficile, se souvint la femme qui portait auparavant le nom de
Zolena.
Au cours des années récentes, la
Première s’était souvent demandé comment une femme qui aimait un homme à ce
point pouvait devenir elle aussi une Zelandoni, mais il est vrai qu’Ayla avait
un talent extraordinaire. Malgré son amour pour cet homme, il était impossible
de ne pas en tenir compte. Et par ailleurs, le sentiment que Jondalar éprouvait
à son égard était plus fort encore.
Cela étant, malgré tout l’amour
qu’il lui portait, ses pulsions étaient puissantes, et il lui était difficile
de les ignorer. D’autant plus qu’il n’existait aucune contrainte d’ordre social
pour les freiner, et une personne aussi intime, aussi familière avec lui que
Marona, n’hésitait pas à user de tout ce qui était en son pouvoir pour
l’encourager à leur donner libre cours. Dès lors, la facilité consistait pour
lui à prendre l’habitude de recourir à ses
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