Le pays des grottes sacrées
Elle envisageait même de retourner à la grotte et de supplier la Mère de
la reprendre, juste pour donner des remords à Jondalar.
Elle refoula ses larmes. Non, je
ne pleurerai pas, se dit-elle. Elle avait appris à réprimer ses pleurs
longtemps auparavant, lorsqu’elle vivait avec le Clan. Personne ne saura ce que
je ressens, je ferai comme si rien ne s’était passé. Je rendrai visite à des
amis, je participerai aux activités, je rencontrerai les autres acolytes, je
ferai tout ce que l’on attend que je fasse.
Elle demeura allongée, immobile,
rassemblant son courage pour se lever et affronter le jour qui commençait.
J’irai voir Zelandoni et je lui raconterai ce qui s’est passé dans la grotte.
Il ne sera pas facile de lui cacher quoi que ce soit. Elle sait toujours tout.
Mais le reste, je devrai absolument le lui cacher. Il n’est pas question que je
lui dise que je sais ce qu’est la jalousie.
Tous ceux qui partageaient l’abri
avec eux savaient que quelque chose s’était passé entre Ayla et Jondalar, et la
plupart avaient leur idée sur ce dont il s’agissait. Car même si l’intéressé
croyait faire preuve de la plus grande discrétion, tout le monde était au
courant pour Marona et lui – la jeune femme ne cachait pas leur
liaison, bien au contraire. Ils avaient été contents de voir revenir Ayla afin
que les choses puissent reprendre leur cours normal. Mais lorsque celle-ci ne
s’était pas montrée de tout l’après-midi, alors qu’une Marona échevelée était
rentrée au campement par un chemin inhabituel avant d’empaqueter ses affaires
et de s’en aller, et que Jondalar était arrivé à son tour peu de temps après,
visiblement perturbé, et n’était pas rentré dormir de toute la nuit, les
conclusions n’avaient pas été difficiles à tirer.
Quand Ayla finit par se lever,
plusieurs occupants de la tente étaient assis autour d’un feu, dehors, en train
de prendre leur repas du matin. Il était encore tôt, plus tôt qu’elle ne
l’avait cru. Elle se joignit à eux.
— Proleva, sais-tu où est
passée Jonayla ? demanda-t-elle. Je lui ai promis de monter avec elle aujourd’hui,
mais il faut d’abord que je parle à Zelandoni.
Son amie la regarda avec
attention. Elle paraissait réagir beaucoup mieux que la veille : quelqu’un
qui ne la connaîtrait pas aurait été incapable de se rendre compte que quelque
chose n’allait pas, mais Proleva la connaissait mieux que quiconque.
— Elle est retournée chez
Levela. Elle passe beaucoup de son temps chez ma petite sœur, qui adore ça.
Depuis qu’elle est née, elle rêve d’avoir une nichée d’enfants autour d’elle,
expliqua Proleva. Zelandoni m’a demandé de te dire qu’elle voulait te voir le
plus tôt possible. Elle a dit qu’elle serait disponible toute la matinée.
— J’irai la voir après avoir
mangé, mais je m’arrêterai d’abord chez Jondecam et Levela pour les saluer, dit
Ayla.
— Ils apprécieront, approuva
Proleva.
En arrivant au campement, Ayla
entendit des voix d’enfants. Ceux-ci étaient en pleine dispute.
— Bon, tu as gagné et je
m’en fiche ! criait Jonayla à l’adresse d’un garçonnet un peu plus grand
qu’elle. Tu peux gagner tant que tu veux, tu peux tout ramasser, mais tu ne
peux pas avoir un bébé, Bokovan. Quand je serai grande, j’aurai des tas de
bébés, et toi tu ne pourras pas en avoir du tout. Et voilà !
La fillette affrontait le garçon
du regard, le dominant de toute sa hauteur bien qu’elle fût plus petite que
lui. Le loup était allongé par terre, les oreilles en arrière. Visiblement
désemparé, il se demandait qui protéger. Le garçon était plus grand, mais plus
jeune. Il ressemblait encore à un bébé, un bébé grand modèle. Il avait des jambes
courtes, potelées et arquées, un corps plutôt élancé et un torse puissant
terminé par le petit ventre typique des enfants en bas âge. Loup courut vers
Ayla lorsqu’il l’aperçut, et elle le prit dans ses bras pour l’apaiser.
Elle remarqua que les épaules de
Bokovan étaient déjà beaucoup plus larges que celles de sa fille. Son nez était
assez gros et son menton fuyant. Bien que son front fût droit et non incliné,
il présentait une crête osseuse assez nette au-dessus des yeux, pas
considérable mais bel et bien présente.
Pour Ayla, il ne faisait pas de
doute qu’il portait la marque du Clan. Ses yeux brun clair en apportaient la
confirmation, même
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