Le pays des grottes sacrées
sourire, en touchant
chacun des doigts de sa fille, pour l’aider.
— Un, deux, quatre… commença
Jonayla.
— Non, trois, et puis
quatre.
— Trois, quatre, cinq,
acheva Jonayla.
— Très bien, la félicita
Ayla. Oui, je crois que nous pourrons monter toutes les deux demain.
Les enfants n’étaient pas séparés
des adultes et bénéficiaient d’un enseignement régulier et très organisé. Ils
apprenaient pour l’essentiel en observant les activités de leurs aînés et en
s’y essayant. Les plus jeunes se trouvaient en permanence sous la supervision
d’un adulte, jusqu’à ce qu’ils manifestent le désir d’explorer seuls tel ou tel
domaine, auquel cas on leur fournissait l’outil adéquat, dont on leur
expliquait l’usage. Souvent, ils découvraient celui-ci d’eux-mêmes et
essayaient d’imiter tel ou tel. S’ils faisaient preuve d’une aptitude ou d’un
désir manifestes, on leur fabriquait parfois des objets à leur mesure, mais il
s’agissait moins de jouets à proprement parler que d’outils parfaitement
fonctionnels mais de modèle réduit.
Les poupées étaient
l’exception : il n’était pas aisé de créer un bébé en réduction totalement
fonctionnel. Quand ils étaient petits, on donnait aux enfants, garçons et
filles, des répliques d’humains de formes et de tailles diverses s’ils en
exprimaient le souhait. En outre, les vrais bébés étaient souvent pris en
charge par leurs frères ou sœurs à peine plus âgés, mais toujours sous la
supervision attentive d’un adulte.
Les activités de groupe
incluaient systématiquement les enfants. Ceux-ci étaient tous invités à
participer aux chants et danses qui accompagnaient les différentes festivités,
et ceux qui s’y révélaient particulièrement doués étaient encouragés. Les
représentations mentales comme les mots à compter étaient en général apprises
incidemment, à travers des histoires, des jeux, des conversations, même si, à
l’occasion, un ou plusieurs membres de la Zelandonia prenaient à part un groupe
d’enfants pour leur expliquer tel ou tel concept ou les initier à telle ou
telle activité.
— D’habitude je monte avec
Jondi, fit Jonayla. Il pourra venir, lui aussi ?
— Je suppose, répondit Ayla
après une hésitation. S’il en a envie.
— Mais où est-il
passé ? s’inquiéta la fillette en regardant autour d’elle et en se rendant
soudain compte que Jondalar n’était pas là.
— Je ne sais pas, dit Ayla.
— Il était toujours là,
avant, quand je me couchais. Je suis contente que tu sois là, mère, mais je
préfère quand vous êtes là tous les deux.
Moi aussi, songea Ayla avec
mélancolie, mais il a choisi d’être avec Marona.
Quand Ayla se réveilla, le
lendemain matin, il lui fallut un moment pour reconnaître l’endroit où elle se
trouvait. L’intérieur de l’abri lui était familier, elle avait souvent dormi
sans des abris comme celui-là. Il lui revint qu’elle se trouvait à la Réunion
d’Été. Elle tourna les yeux vers l’endroit où dormait sa fille,
d’ordinaire : Jonayla était déjà partie. Le plus souvent, celle-ci
s’éveillait soudainement et se levait aussitôt. Ayla esquissa un sourire et
regarda à côté d’elle, à la place de Jondalar. Son compagnon n’était pas là, et
il apparaissait clairement qu’il n’était pas rentré de la nuit. Alors,
brusquement, tout lui revint en mémoire et elle sentit les larmes lui monter
aux yeux et menacer de déborder.
Ayla avait assimilé la plupart
des coutumes de son peuple d’adoption ; elle avait entendu les Histoires
et Légendes Anciennes qui contribuaient à les expliquer, mais cette culture
n’était pas pour elle quelque chose de naturel, pas plus que les comportements
qu’elle induisait. Elle connaissait l’attitude générale envers la jalousie.
Elle se dit qu’elle devait absolument montrer sa capacité à contrôler ses
émotions.
Ce qu’elle avait vécu dans la
grotte avait été une épreuve telle, tant physiquement qu’émotionnellement,
qu’elle avait du mal à penser clairement. Elle redoutait de demander de l’aide
de peur que cela ne démontre que, comme Jondalar, elle était incapable de se
maîtriser. Mais elle avait reçu un coup si terrible que, inconsciemment, elle
désirait le lui rendre, lui faire goûter à sa peine. Elle souffrait et avait
envie de le faire souffrir à son tour, de l’obliger à regretter ce qu’il avait
fait.
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