Le pays des grottes sacrées
contente
d’avoir appris toute seule à chasser, bien que cela contrevînt aux traditions
du Clan. Elle était femme, or les femmes du Clan ne chassaient pas. Mais si
elle n’avait pas appris elle ne serait plus en vie maintenant, même si cela
l’avait conduite tout près du trépas lorsqu’ils l’avaient découvert : la
première fois qu’ils l’avaient maudite, lorsque Brun l’avait bannie du Clan, il
avait limité à une lune sa période d’exclusion. C’était le début de l’hiver, et
tout le monde s’attendait à ce qu’elle périsse, mais cette connaissance de la
chasse qui lui avait valu d’être maudite lui avait permis de rester en vie.
Il aurait peut-être mieux valu
que je disparaisse alors, se dit-elle.
Elle avait une fois de plus bravé
les traditions du Clan lorsqu’elle s’était enfuie avec Durc, mais elle n’avait
tout simplement pas pu les laisser abandonner son fils nouveau-né à la merci
des éléments et des bêtes carnivores simplement parce qu’ils pensaient qu’il
était difforme. Brun leur avait fait grâce, malgré les objections de Broud.
Celui-ci ne lui avait jamais facilité la vie : lorsqu’il s’était retrouvé
à la tête du Clan et l’avait maudite, cela avait été sans raison valable, et
sans espoir de retour. Cette fois, elle avait été contrainte de quitter le Clan
pour toujours. Sa connaissance de la chasse lui avait une fois de plus sauvé la
vie, à l’époque. Jamais elle n’aurait pu survivre dans la vallée si elle
n’avait pas maîtrisé cet art, et si elle n’avait pas eu la conviction qu’elle
serait capable de survivre seule si elle y était contrainte.
En retournant au campement, Ayla
songeait toujours au Clan et à la meilleure façon de gérer les rituels associés
aux racines. Elle aperçut Jonayla, en compagnie de Proleva et de Marthona.
Toutes trois lui firent de grands gestes l’invitant à les rejoindre.
— Viens donc manger un
morceau ! lui lança Proleva.
Loup s’était lassé de suivre cet
homme si triste qui ne faisait rien d’autre que de marcher d’un pas lourd, et
il était parti retrouver Jonayla. Il était en train de ronger un os de l’autre
côté du feu et releva la tête pour voir Ayla arriver parmi eux. Celle-ci
embrassa sa fille, puis, la tenant à bout de bras, elle la regarda avec une
étrange lueur de chagrin au fond des yeux avant de l’enlacer à nouveau, presque
trop fort.
— Tu as les cheveux
mouillés, mère, dit la fillette en se dégageant de son étreinte.
— Je viens de les laver,
expliqua Ayla en caressant le grand loup qui s’était approché d’elle pour lui
souhaiter la bienvenue.
Elle prit entre ses mains la tête
magnifique de l’animal, le fixa au fond des yeux, l’enlaça avec ferveur.
Lorsqu’elle se redressa, le loup leva la tête vers elle, attendant avec
impatience ce qui allait suivre : dès qu’elle se tapota l’épaule, il
bondit, affermit ses pattes sur les deux épaules de sa maîtresse et lui lécha
le cou et le visage avant de prendre sa mâchoire dans sa gueule, avec une
extrême douceur. Il la tint ainsi un bon moment. Lorsqu’il la relâcha, elle lui
rendit à son tour le signe de son appartenance à la meute en prenant un moment
la mâchoire de la bête entre ses dents. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait
pas fait cela, et elle eut le sentiment que Loup appréciait fort.
Proleva avait retenu son souffle
pendant toute la durée de ce manège, et elle expira avec soulagement lorsque
Loup retomba sur ses pattes. Ce n’était pas la première fois qu’elle assistait
à ce spectacle, mais ce comportement si particulier d’Ayla, si proche de celui
des loups, ne cessait de la troubler : voir cette femme exposer son cou
aux dents de l’énorme animal la perturbait toujours autant et lui rappelait que
cette bête si amicale, si obéissante, n’était autre qu’un loup capable de tuer
sans difficulté n’importe lequel des humains qu’il côtoyait si librement.
— Sers-toi, Ayla, dit-elle
une fois qu’elle eut repris son souffle et calmé ses appréhensions. Tu n’as que
l’embarras du choix. Le repas de ce matin a été facile à préparer. Il y avait
des tas de restes du festin d’hier. Je suis bien contente qu’on ait décidé de
l’organiser avec les Lanzadonii, j’ai adoré travailler avec Jerika, Joplaya et
certaines des autres. J’ai l’impression de les connaître un peu mieux après
cela.
Ayla éprouva une pointe
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