Le pays des grottes sacrées
était son fils, le grand
blond, et lorsque la femme leva la tête Ayla eut la surprise de se voir, elle,
mais très floue, comme si elle se regardait dans un miroir. Un homme arriva
alors et les regarda. Elle leva les yeux et vit Jondalar.
« Où est mon fils ? lui
demanda-t-il. Où est mon fils ? »
« Je l’ai confié à la
Mère ! s’écria le reflet d’Ayla. La Grande Terre Mère le voulait. Son
pouvoir est immense. Elle me l’a pris. »
Et soudain, elle entendit la
foule, vit de nouveau les étranges formes géométriques.
« La Terre Mère s’affaiblit,
chantèrent les voix. Ses enfants L’ignorent. Lorsqu’ils ne L’honoreront plus,
Elle nous sera enlevée. »
« Non ! supplia le
reflet d’Ayla. Qui nous nourrira ? Qui veillera sur nous ? Qui
pourvoira à nos besoins si nous ne L’honorons plus ? »
« La Mère est partie. Seul
le Fils demeure. Les enfants de la Mère ne sont plus des enfants. Ils ont
abandonné la Mère. Ils ont la Connaissance, ils sont devenus adultes, ainsi
qu’Elle savait qu’ils le deviendraient un jour. »
La femme continuait de pleurer,
mais ça n’était plus Ayla. C’était la Mère, qui pleurait parce que Ses enfants
l’avaient quittée.
Ayla se sentit tirée hors de la
grotte. Elle pleurait, elle aussi. Les voix se firent plus faibles, comme si
elles chantaient depuis un lieu très éloigné. Elle avait recommencé à se
mouvoir, très haut au-dessus d’une vaste plaine herbeuse, parcourue par
d’immenses troupeaux. Des aurochs galopaient par centaines, suivis par des
chevaux en aussi grand nombre, qui s’efforçaient de ne pas se laisser
distancer. Des bisons et des cerfs couraient eux aussi, ainsi que des ibex.
Elle se rapprocha, commença à distinguer chacun des animaux, ceux qu’elle avait
vus lorsqu’elle avait été appelée pour la Zelandonia, ainsi que les
déguisements qu’ils avaient portés pendant la cérémonie lorsqu’ils avaient
offert le nouveau Don de la Mère à Ses enfants, lorsqu’elle avait récité la
dernière strophe du Chant de la Mère.
Deux bisons mâles galopant côte à
côte, deux grands aurochs mâles se précipitant l’un vers l’autre, une énorme
femelle volant presque dans les airs, une autre mettant bas, un cheval arrivant
au bout d’un défilé et tombant du haut d’une falaise, d’innombrables chevaux,
de couleurs variées, bruns, rouges et noirs, et Whinney avec sa peau tachetée
sur le dos et la tête, et les deux bois de cerf raides comme des bâtons.
40
Zelandoni ne se trouvait pas avec
Ayla durant son obscur voyage intérieur, mais elle en avait senti la force
d’attraction. Si elle avait absorbé le suc magique en quantité plus importante,
elle aurait peut-être été aspirée comme Ayla dans le néant obscur et, comme
elle, se serait sans doute perdue dans l’énigmatique paysage suscité par la
racine. Quoi qu’il en soit, elle perdit la maîtrise de ses facultés pendant un
certain laps de temps et connut ses propres difficultés.
Les membres de la Zelandonia
s’interrogeaient avec perplexité sur ce qui se passait sous leurs yeux :
Ayla avait apparemment sombré dans l’inconscience, et la Première ne semblait
pas en être bien loin. Elle ne s’assoupissait pas vraiment, mais ne cessait de
s’affaisser sur elle-même, ses yeux se faisaient par moments vitreux, comme si
elle fixait quelque chose, le regard perdu au loin. Elle ne paraissait pas
contrôler l’expérience, ce qui en soi était inhabituel, elle n’était à
l’évidence plus maîtresse d’elle-même, ce qui les inquiétait tous beaucoup.
Ceux qui la connaissaient le mieux étaient les plus alarmés, mais ils ne
voulaient surtout pas faire voir leur anxiété aux autres, ce qui aurait aggravé
encore les choses.
La Première se secoua, tentant de
reprendre ses esprits par la seule force de sa volonté.
— Froid, froid, eut-elle le
temps de souffler avant de s’affaisser de nouveau, ses yeux reprenant leur
aspect vitreux.
Peu après, elle se redressa
brusquement, comme si elle était tout à fait éveillée, et cria :
— Couverture… fourrure…
couvrir Ayla… froid… si froid. Réchauffer…
Elle perdit conscience une fois
de plus.
Les participants à la cérémonie
avaient apporté des couvertures pour leur tenir chaud, tout simplement parce
qu’il faisait toujours frais dans une grotte. Ils en avaient déjà déposé une
sur Ayla, mais le Zelandoni de la Onzième Caverne
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