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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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étoiles. En ce qui me concerne j'ai décidé d'amorcer un virage avant que mes charmes tirent leur révérence. Amédée Rozel fut l'occasion idéale de m'établir confortablement à Paris. Plutôt s'effacer que d'enseigner l'art de Terpsichore à des morveuses !
    — Eh bien alors, pourquoi rouspétez-vous ?
    — Parce que... Parce que le Tout-Paris est là et que je joue les utilités ! Et parce que cette maudite douleur me vrille la cervelle !
    — Lever de rideau dans une demi-heure ! nasilla la voix de Melchior Chalumeau. Mademoiselle Olga, un paquet pour vous, d'un admirateur inconnu.
    — Déposez-le sur le seuil. Vite, Hortense, va m'emplir une cuvette, ma pauvre maman prétendait que tremper ses poignets dans l'eau fraîche est un remède souverain. Où diable as-tu fourré mes mitaines de dentelle ?
     
    Kenji regardait Djina blottie dans un coin du fiacre. La cape au mantelet de fourrure qu'il lui avait offerte en guise d'étrennes faisait ressortir la blancheur de son cou.
    Au bout de l'avenue, le palais Garnier, montagne de marbre, de porphyre et de bronze, illuminait la nuit. Djina éprouvait un sentiment de plénitude. Les magasins de luxe, les cafés, les restaurants défilaient derrière les vitres de la voiture. Raide dans sa queue-de-pie, Kenji lui caressa la pommette et prononça son nom d'une voix presque imperceptible.
    Les équipages se pressaient rue Halévy. Le fiacre se rangea à la suite d'une berline, sous la voûte du pavillon de droite de l'Académie de musique. Kenji rajusta ses gants, sauta à terre, se pencha vers la portière et proposa son bras à Djina.
    Dès qu'elle eut franchi le vestibule, elle fut saisie de vertige. Le tumulte, l'agitation, la profusion de femmes toilettées qui ondulaient dans le grand escalier polychrome, les effluves de parfums mêlés exacerbaient son euphorie. Figés dans la pierre, imperturbables à cette riche bousculade, Rameau, Haendel, Lully et Gluck semblaient se faire complices de son exaltation. Cette soirée à l'Opéra scellait sa liaison avec Kenji Mori.
    Une somptuosité de soies, de brocarts, de lamés reflétait les lumières. Escortées de messieurs qui avaient l'allure de maîtres de cérémonie d'une entreprise de pompes funèbres, les femmes ne marchandaient ni leurs décolletés ni leurs complaisances et Kenji ne boudait pas son plaisir. En pareilles circonstances, le beau sexe était toujours à son avantage. Jeunes ou mûrs, ces papillons l'étourdissaient. Sa compagne n'en était que plus désirable. Sa robe de samit mettait ses attraits en valeur, elle offrait une image ravissante qui ne laissait pas les hommes impassibles. Cela plaisait à Kenji, il adorait attiser les convoitises. Il chercha des visages familiers. Près de la vasque d'où surgissait La Pythonisse, l'anguleuse Blanche de Cambrésis et son mari Stanislas parlaient à Mme Adalberte de Brix, flanquée du colonel de Réauville, son second époux. Il fit un détour mais ne put esquiver un échalas à la barbe en pointe, vêtu d'un insolite costume de velours grenat, d'aspect satanique.
    — Monsieur Mori, mon ami ! Une éternité qu'on ne s'est vus ! Madame... Quelle joie de savourer enfin ce chef-d’œuvre de Léo Delibes, il a réinventé le ballet symphonique, savez-vous ? Cette fois il sera magnifié par Olga Vologda et Rosita Mauri. À propos d'Olga Vologda, on m'a récemment soumis l'argument d'un opéra de son cru tiré d'un récit de l'Antiquité, elle y fera merveille dans le rôle clé, je compte bien convaincre le directeur d'accepter de le monter. Tiens, c'est amusant, Rosita Mauri et vous portez le même nom !
    — Cela s'écrit différemment, marmotta Kenji qui se contraignit aux présentations.
    « Djina, voici Maxence de Kermarec, antiquaire spécialisé dans la vente d'instruments anciens de musique à cordes. Mme Djina Kherson, aquarelliste.
    — Mes hommages, madame, votre tenue est d'un raffinement digne des fastes du XVIII° siècle ! Ce crépon indigo, cette guipure de Venise ! Mode délicate que celle du châle, ah, ces imprimés japonais ! La Pompadour vous jalouserait...
    Il s'éclaircit la gorge et feignit d'admirer les motifs du carré de soie. Elle le surprit à détailler furtivement Kenji, comme si, expert, il l'eût évalué.
    — La Pompadour ou Mme de Maintenon ? questionna-t-elle d'un ton badin.
    — Aucune comparaison ! se récria le diable. La Pompadour, ma chère, la Pompadour, non cette austère épouse du vieux Roi-Soleil confite

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