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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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en dévotions !
    Il adressa un sourire en biais à Kenji.
    — Quand viendrez-vous rue de Tournon, mon ami ?
    — Bientôt, bientôt.
    Maxence de Kermarec s'inclina devant Djina, serra la main de Kenji qu'il retint dans la sienne et murmura :
    — J'ai mis de côté à votre intention une gamme de thés de Chine... Vous êtes le seul avec qui je puisse partager mon appétit pour les breuvages exotiques...
    — C'est très gentil à vous, je ferai un saut un jour prochain. Venez, ma chère, nous devons rejoindre nos baignoires.
    Djina eut le temps d'entrevoir la mine déçue de l'antiquaire.
    — M. de Kermarec taille-t-il ses costumes dans des rideaux ? demanda-t-elle. Anatole France raconte l'histoire d'un excentrique qui les faisait couper dans de la toile à matelas.
    Elle regretta sa plaisanterie et enchaîna :
    — Il s'est montré un peu trop...
    — Empressé ? Ma chère, ces compliments ne vous étaient pas destinés. Maxence préfère la compagnie des hommes, il a voulu me flatter.
    — Vous voulez dire...
    — Choquée ? Chacun est libre d'aimer selon ses attirances ou sa sensualité. Auriez-vous des préjugés ?
    — Non, c'est que...
    — Rassurez-vous, je ne succombe qu'aux appas féminins.
    — Ferais-je partie du lot de vos innombrables conquêtes ?
    — Vous savez que non, je vous l'ai prouvé. Vous êtes et demeurerez le seul objet de mon amour.
    La sonnette grelotta. Les musiciens gagnèrent la fosse d'orchestre. Les instruments s'accordèrent, étouffant le brouhaha de la salle. Djina eut à peine le loisir de contempler les loges rouge sombre et l'ensemble des groupes allégoriques du plafond relatifs à l'histoire du drame lyrique que déjà les feux du lustre gigantesque s'atténuaient 7 . Le machiniste donna le signal. L'obscurité se fit. Le rideau orné de franges et de torsades révéla lentement un village d'Europe centrale.
    Tendrement enlacés, Franz et Swanilda, les deux héros, dansèrent jusqu'à l'aube. C'est alors qu'apparut au balcon d'une antique résidence le vieux Coppélius, fabricant d'automates. Il manipulait sa nouvelle création, une poupée grandeur nature, en rêvant de lui insuffler une âme.
    D'une baignoire proche de celle de Djina et Kenji fusa un « Olga ! » aussitôt réprimé par des « chut ! » indignés. Kenji se pencha légèrement. A la faveur de la demi-clarté de la rampe il discerna le profil grec d'Eudoxie. Le hasard seul l'avait-il placée au voisinage de son mikado adulé ? Kenji se rencogna prudemment dans son siège.
    Étincelante, capiteuse, aérienne, Rosita Mauri, femme-oiseau à l'enthousiasme communicatif, interprétait une Swanilda furieuse de voir son fiancé courtiser les jeunes filles du village.
    Une idée saugrenue effleura Kenji, son attention s'égara, il substitua aux deux danseurs sa propre personne et celle de sa compagne. Djina le quitterait sans conteste si elle découvrait l'emprise qu'Eudoxie exerçait toujours sur lui. Il l'observa à la dérobée, leurs yeux se croisèrent. Son ancienne maîtresse le défiait, une escrimeuse allongeant son fleuret pour tâter l'adversaire. Elle se détourna, mais il comprit qu'elle avait lu en lui. Fascinée par le spectacle, Djina n'avait rien remarqué du manège.
    Sur la scène, Olga Vologda remportait un vif succès. Animée de gestes saccadés, elle incarnait CoppéIia, passait de bras en bras, valsait avec Franz et les garçons du village, épris de cette aguichante poupée.
    Djina chantonnait la mélodie à mi-voix. Un souvenir lointain venait de resurgir : ses petites filles, Tasha et Ruhléa, s'amusaient à parcourir comme des pantins l'appartement d'Odessa sous les applaudissements de leur père. Pinkus n'avait pas encore déserté le foyer, elle était comblée. La nostalgie lui infligea une piqûre douloureuse. Elle sentit la main de Kenji étreindre la sienne.
     
    — Si ça continue, je vais m'endormir et ronfler à faire crouler les cintres ! déclara Melchior Chalumeau que les tangages d'Olga Vologda assommaient.
    Retranché dans les coulisses côté jardin, il guignait les figurantes tout juste aptes à sautiller au dernier rang des quadrilles. Cela l'agaçait qu'elles fussent l'objet de la sollicitude de messieurs à la verdeur périmée. Un séducteur à favoris argentés enserrait un tendron et lui débitait des messes basses assorties de dragées. Sur les genoux d'un autre se tortillaient deux miniatures impubères.
    « Honni soit qui mal y pense ! » songea Melchior, jaloux

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