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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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paraissait mal à l’aise, Ranulphe en colère, et ce singulier moine blanc, cet Aubré, proclamait avec force sa croyance en la justice divine.
    Hugues marqua un temps. En lui aussi, le texte biblique avait éveillé bien des échos :
    — C’est donc là le personnage que d’Aubigny avait rencontré en venant ici.
    — Oui, répondit Tancrède. Je n’ai pas eu le temps de vous en parler, mais moi aussi je l’ai vu sur la lande et ce qu’il m’a dit était troublant.
    Le regard aigu du Gréco-Syrien fouilla celui de son protégé.
    — Que voulez-vous dire par là ?
    — Il m’a annoncé...
    Tancrède s’arrêta net.
    Serlon était revenu dans la basse-cour et avait pris frère Aubré à partie.
    De là où ils se tenaient ils ne pouvaient entendre les paroles échangées, mais le visage contracté du sire de Pirou et ses grands gestes montraient assez que l’entretien n’avait rien d’amical. Le grand moine ne bronchait pas. Il avait à nouveau revêtu son mantel et pris son bâton de marche sur lequel il s’appuyait en l’écoutant. Sa passivité semblait accentuer la colère de Serlon et, pendant un instant, Tancrède crut qu’ils allaient en venir aux mains. Mais frère Baptiste accourut, entraînant l’inconnu vers la partie de la chapelle qui lui servait de logement.
    Le sire de Pirou resta un moment les yeux braqués vers la porte close, puis il repartit d’un pas furieux vers le donjon.
    Tancrède se tourna à nouveau vers Hugues. Celui-ci avait l’air préoccupé.
    — Je crois que le calme que nous avons connu jusqu’ici était celui qui précède la tempête, observa-t-il d’une voix grave. La mort de cette femme a mis nombre de gens hors d’eux. Même ce pêcheur que nous avons souvent croisé près du havre de Pirou. Avez-vous vu comme il regardait la morte ?
    — Oui.
    — Et maintenant, fit-il en désignant la silhouette de Bjorn, le voilà qui rôde autour de la chapelle comme une âme en peine. Et regardez, ce Mauger errant dans le château avec, derrière lui, cette fillette qui s’obstine à le suivre comme un animal qui a perdu son maître.
    — Un drôle de garçon, ce Mauger. Plus habile à lire et à écrire qu’à tirer l’épée. Nous avons un peu parlé pendant ces derniers jours. Il paraît aussi doux qu’une fille, aussi démuni devant la vie qu’un enfançon.
    — Et pourtant, devant le cadavre de sa mère, il s’est dressé contre son père. Ses mots étaient durs et sa colère n’était pas feinte.
    — Je ne savais pas cela. Que lui reprochait-il ?
    — La mort de sa mère... Mais ce n’était pas clair, ces deux-là semblent pleins de ressentiment l’un envers l’autre... J’ai parlé avec la Bertrade avant la cérémonie. Elle m’a avoué qu’il y avait un attachement excessif entre la mère et le fils. Un attachement qui faisait que père et fils se jalousaient.
    — Que pensez-vous de Ranulphe ? demanda soudain Tancrède qui n’arrivait pas à cerner la personnalité complexe du mari de Muriel.
    — Il a le visage torturé d’un homme mené par ses passions. Difficile de se faire une idée à son sujet. Toujours d’après Bertrade, il est violent, irascible de caractère, mais son amour pour sa femme ne faisait aucun doute. Continuez à me parler du jeune Mauger.
    — C’est vrai que je n’ai pas eu le temps de vous conter ce qui est arrivé lors de ma promenade le long de la mer avec Sigrid,
    Et il confia à Hugues l’incident de la cabane.
    — Il paraît très amoureux de sa belle cousine, conclut-il.
    — Amour me semble un mot trop fort, répliqua Hugues. Je pense qu’il avait surtout envie de jeter sa gourme ! Regardez, il semble l’avoir oubliée, alors qu’elle...
    Randi passait non loin d’eux. À la sortie de la messe, elle avait emboîté le pas à Mauger et Clotilde, puis avait brusquement fait demi-tour en voyant que son amoureux ne lui prêtait aucune attention. Elle marchait en fronçant les sourcils, marmonnant à voix basse. Soudain, elle sentit leur regard sur elle et, au lieu de les saluer, ramassa ses jupes et courut vers le donjon.
    — La tempête arrive, murmura Hugues.

21
    Étaient-ce les paroles de son maître, celles d’Aubré ou quelque sombre pressentiment ? Tancrède avait passé une nuit agitée, se tournant et se retournant, rêvant qu’il sculptait sans relâche les chênes d’une immense forêt. Il courait d’un arbre à l’autre avec l’impression que sa vie en dépendait

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