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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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délégués
représentant le tiers état – les roturiers -seront à eux seuls aussi nombreux
que ceux de la noblesse et du clergé réunis !
    Cette double représentation du tiers état remet en cause la
hiérarchie politique et sociale, fondée sur la prééminence de ces deux ordres, le
noble et l’ecclésiastique, assurés de la majorité si l’on vote par ordre, et
réduits au mieux à l’égalité si l’on vote par tête après avoir doublé le nombre
de représentants du tiers état.
    Que veut cet « anglomane » de Necker, ce
protestant ? s’interrogent les ordres privilégiés qui se dressent contre
Necker.
    Dans la Lettre d’un bon Français , on l’accuse :
    « Après avoir commencé comme Law – le financier
-voudriez-vous finir comme Cromwell ? »
     
    C’est l’image du roi agenouillé, la tête sur un billot, qui
revient s’imposer à Louis qui jusqu’alors a soutenu Necker.
    Et celui-ci sent qu’un renvoi à la manière de Turgot le
menace.
    Et il joue une fois de plus l’opinion, publiant, en février
1781, un opuscule à couverture bleue, le Compte Rendu au roi par Necker ,
c’est-à-dire le budget de la France.
    La mesure est révolutionnaire : dépenses et recettes
sont présentées et sortent de l’ombre.
    On sait ce que coûtent la Maison du roi, les pensions, rentes
et libéralités accordées aux courtisans.
    Necker dénonce toutes ces prodigalités du Trésor royal au
bénéfice de quelques milliers de privilégiés.
    « C’est donc à ce genre d’abus, écrit-il, dont on ne
peut mesurer l’étendue que j’ai cru devoir opposer les plus grands obstacles. »
    Par ailleurs, il présente un budget qui compte un excédent
de recettes. Et il en appelle à l’opinion qui s’est précipitée pour acheter le Compte
Rendu au roi .
    Six mille exemplaires ont été vendus le premier jour, cent
mille en quelques semaines. Le livre est même traduit en anglais, en allemand
et en italien.
    « Je ne sais si l’on trouvera que j’ai suivi la bonne
route mais certainement je l’ai recherchée… écrit Necker. Je n’ai sacrifié ni
au crédit, ni à la puissance, et j’ai dédaigné les jouissances de la vanité. J’ai
renoncé même à la plus douce des satisfactions privées, celle de servir mes
amis ou d’obtenir la reconnaissance de ceux qui m’entourent… Je n’ai vu que mon
devoir. »
    Il revendique – et c’est là l’annonce de temps nouveaux – la
fin du secret monarchique, et donc d’un privilège immense et d’un « droit »
souverain, divin.
    L’attitude est « révolutionnaire » puisque Necker
s’est adressé à tous les sujets, égaux de ce fait en droit :
    « Enfin, et je l’avoue aussi, conclut Necker, j’ai
compté fièrement sur cette opinion publique que les méchants cherchent
en vain d’arrêter ou de lacérer mais que, malgré leurs efforts, la justice et
la vérité entraînent après elles. »
     
    Moment crucial, comme au temps de Turgot.
    Et c’est la même question qui est posée : peut-on
réformer la monarchie, Louis XVI continuera-t-il de soutenir Necker ?
    Or, la publication du Compte Rendu , qui fait croire
qu’on pourra désormais calculer, contrôler, discuter, les recettes et les
dépenses du pouvoir, l’emploi de l’impôt, sa répartition, qu’en somme allait
commencer un temps de justice, d’égalité et de liberté, raffermit le crédit de
l’État.
    Un nouvel emprunt de soixante-dix millions en produit cent !
    Mais contre Necker, c’est désormais l’union de tous les
privilégiés. Des Polignac – les habitués du Trianon, et les plus proches
confidents de la reine – aux parlementaires, des frères du roi aux évêques et
aux financiers.
    L’intendant Calonne, dans un pamphlet, se moque des neckromanes qui n’ont même pas remarqué que le Compte Rendu au roi est incomplet :
Necker a oublié (!) les dépenses de la guerre en Amérique et les remboursements
des dettes, si bien que son budget, loin d’être en excédent de dix millions, est
en déficit de deux cent dix-huit millions !
    Ce compte rendu n’est qu’un «  conte bleu  »,
dit Maurepas.
    Necker, face aux assauts, demande au roi de lui confirmer
son soutien en lui donnant l’administration directe des Caisses de la guerre et
de la marine, ce qui ferait de lui le vrai maître du ministère, et marquerait
la volonté du roi d’engager des réformes radicales.
    Louis XVI refuse et Necker donne sa démission le 19 mai

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