Le Peuple et le Roi
tué.
L’Assemblée lui rendra hommage. Il est le « martyr de
la loi et de la liberté ». Louis s’associe à cette célébration, mais
derrière les barrières, ceux qui regardent passer le cortège des députés qui
accompagne le cercueil de Simoneau – martyr – sont bien peu nombreux.
Et l’anarchie, les émeutes ne cessent pas.
À Noyon, le peuple empêche le départ de quatre bateaux
chargés de grains.
À Beauvais, les troupes interviennent pour permettre à un
convoi de grains de partir pour Paris. Mais à Béthune les soldats du 14 e régiment d’infanterie se mutinent et refusent d’obéir à leurs « officiers
aristocrates ».
À Dunkerque, le peuple dévaste les magasins des négociants
du port. Il y a quatorze tués et soixante blessés.
Et pendant ce temps-là, les Jacobins s’engagent dans un
grand élan enthousiaste à ne plus consommer de sucre et de café !
Comme si cela pouvait permettre le rétablissement de l’ordre,
la fin de l’anarchie, alors qu’au contraire, les violences gagnent tout le pays.
Dans les départements de l’Ouest les prêtres jureurs sont isolés, condamnés, frappés !
On se bat dans le sud du pays entre catholiques « aristocrates »
et protestants patriotes !
Les « patriotes » de Marseille s’en vont massacrer
les aristocrates d’Arles. Et à ces désordres s’ajoute la crise financière :
les assignats perdent chaque jour de leur valeur, et c’est avec ce
papier-monnaie que sont payés les salaires, alors que tous les prix montent. Et
les impôts ne rentrent pas !
Le procureur-syndic du département de Paris dénonce une « insurrection
patricienne » contre le paiement des impôts et il fait afficher la liste
des contribuables en retard !
Autant de suspects décrétés aristocrates et menacés !
Et Louis sent monter la peur autour de lui, une sorte de
fébrilité qu’il constate chez les gardes nationaux qui font leur service aux
Tuileries.
Les journaux rapportent les séances du club des Jacobins, où
Robespierre prononce un grand discours sur les Moyens de sauver l’État et la
liberté .
Il faut, dit Maximilien, « épurer » les cadres de
l’armée, « purger » le pays, mettre les sections en permanence, prêtes
à agir contre les « aristocrates ».
Il faut unir les patriotes de Paris et des départements.
« Je suis du peuple, martèle Robespierre, l’amour de la
justice, de l’humanité, de la liberté est une passion comme une autre. Quand
elle est dominante on lui sacrifie tout ; quand on a ouvert son âme à des
passions d’une autre espèce, comme à la soif de l’or et des honneurs, on leur
immole tout et la gloire et la justice, et l’humanité, et le peuple et la
patrie. Voilà tout te secret du cœur humain ; voilà toute la différence
qui existe entre le crime et la probité, entre les tyrans et les bienfaiteurs
du genre humain. »
Comment faire vivre dans le même royaume des hommes qui s’accusent
les uns les autres d’être le Bien et le Mal ? Comment apaiser les tensions ?
Comment éviter la guerre civile entre eux ? Et comment ne
rechercheraient-ils pas les uns et les autres, dans la guerre avec l’étranger, le
moyen de terrasser ici leurs ennemis ?
Pour les uns, les aristocrates, pour les autres, les
révolutionnaires. Et ces derniers espèrent que la guerre propagera parmi les
peuples les idées de liberté de la Déclaration des droits de l’homme.
Et que les émigrés seront vaincus et dispersés, les
monarques renversés par leurs peuples. Et la nation française, rayonnant, et
puisant dans les caisses des riches États, de la Hollande, aura de quoi combler
le déficit qui se creuse, et renflouer l’assignat qui perd chaque jour de sa
valeur.
Avenir sombre ! Que faire ?
Louis et Marie-Antoinette reçoivent Fersen venu
clandestinement à Paris. Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, explique le
comte suédois, a mis au point avec le duc de Brunswick un plan d’offensive qui
devrait conduire les troupes prussiennes, en quelques semaines, à Paris. L’ordre
sera rétabli, et le roi disposera à nouveau de tous ses pouvoirs légitimes.
Louis ne commente pas les propos de Fersen. Il reste
silencieux alors que Marie-Antoinette manifeste sa détermination, se félicite
de ce que tous les journaux royalistes – Les Amis du roi, La Gazette
universelle, Le Journal de M. Suleau – publient la diatribe du
chancelier d’Autriche Kaunitz contre
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