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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les Jacobins, « factieux, républicains,
dissolvateurs de la monarchie, boute-feux », et les journalistes ajoutent « gens
à pendre, à écarteler, à brûler ».
    Pour se réjouir de telles attaques, d’une telle violence, il
faudrait être sûr de vaincre, et Louis s’il estime que les armées des
souverains d’Europe écraseront les troupes françaises, divisées, désertées par
leurs officiers, se demande si cette victoire viendra assez tôt pour éviter que
la « populace » ne s’en prenne à la famille royale.
     
    Il a avec accablement, et aussi un sentiment de révolte, appris
que les soldats suisses du régiment de Châteauvieux qui s’étaient rebellés à
Nancy et que le marquis de Bouillé avait châtiés, ont été libérés du bagne, et
qu’une fête de la liberté sera célébrée en leur honneur à Paris. Les Jacobins
et les journaux patriotes saluent ces mutins comme des héros. Et se moquent du
général La Fayette – « Blondinet » – qui avait été favorable à la
répression des rebelles.
    La fête a eu lieu le 15 avril. Les Suisses défilent, accompagnés
par une foule enthousiaste, et Le Père Duchesne peut exulter :
    « Ah foutre ! Le beau jour ! Quelle fête !
Quelle joie !
    « Jamais il n’y a eu sous le ciel un aussi beau
spectacle. Jamais le peuple n’a été plus grand, plus respectable… Il était tout
ce qu’il devait être, véritablement souverain, il ne recevait d’ordre de
personne… Les mouchards de Madame Veto s’étaient vantés d’avance qu’il arriverait
malheur… Je leur avais bien dit, foutre, que ça irait. Quand le faubourg
Saint-Antoine, quand les braves gens sans-culottes, quand Le Père Duchesne veulent quelque chose, y a-t-il quelque puissance dans le monde qui
puisse l’empêcher ?
    « Ainsi donc, foutre, Madame Veto a eu beau remuer de
cul et de tête pour faire manquer notre fête, tous les mouchards de Blondinet
et Blondinet lui-même ont été impuissants. »
    Louis veut savoir qui est cet Hébert, qui signe « Père
Duchesne », quel est cet homme qui prétend avoir fait rebrousser chemin à
Blondinet-La Fayette hostile à ce sacre de la mutinerie militaire, car le
général serait revenu à Paris pour tenter un coup d’État.
    Et Hébert conclut, si sûr de lui : « Mais laissons
là cette foutue canaille qui ne mérite pas seulement qu’on s’en occupe. Nous
sommes assez vengés d’avoir foutu un pied de nez à tous ces jean-foutre… les
aristocrates noient leur chagrin dans des flots de vin muscat et nous, foutre, avec
du vin de Suresnes, nous nous élevons au-dessus de tous les trônes de l’univers. »
    Et cet Hébert qui prône la haine des aristocrates, de la
reine, des prêtres et veut que la France soit la terre et le modèle de la
déchristianisation, est un ancien élève du collège des Jésuites d’Alençon, fils
d’un honnête joaillier. Il a traîné dans tous les estaminets de Paris. C’est un
misérable auquel l’invective, la grossièreté, la haine, ce parler sans-culotte,
ont donné notoriété et pouvoir d’influence, et revenus !
    Car Le Père Duchesne est un journal qu’on s’arrache, qu’on
lit dans toutes les sections du club des Jacobins, et dont l’avis pèse à l’Assemblée
nationale, parce que les spectateurs des tribunes l’ont lu !
     
    Louis tient encore les dés de l’avenir dans son poing. Il
sait que s’il les lance, il n’est pas sûr de gagner. Ce sera la guerre, avec
ses incertitudes, mais le jeu est ouvert. Les troupes prussiennes du duc de
Brunswick, les émigrés du prince de Condé, et les Autrichiens de l’empereur
François II, devraient l’emporter.
    Mais s’il ne fait pas rouler les dés de la guerre, alors ce
sont Hébert et Marat, les enragés, qui entraîneront derrière eux tous les
mécontents, les vagabonds, les indigents, les affamés, les infortunés, ceux des
paysans qui ont recommencé à attaquer les châteaux : et il n’y a aucun
moyen de les arrêter, de les battre, leur victoire est certaine.
    Alors Louis fait rouler les dés de la guerre.
     
    Il renvoie ses ministres, constitue un ministère « girondin »,
avec le général Dumouriez au passé d’aventurier, comme ministre des Affaires
étrangères, avec Roland de La Platière au ministère de l’intérieur et, deux
mois plus tard, le colonel Servan à la Guerre.
    Avec ces hommes-là, on ne le suspectera pas de ne pas
vouloir la guerre et la victoire.
    Dumouriez s’en va

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