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Le pianiste

Le pianiste

Titel: Le pianiste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Wladyslaw Szpilman
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une autre information inquiétante est venue à
mes oreilles. Par un coup de fil d’un ami généralement bien informé, mon hôte a
appris qu’une vaste chasse à l’homme était programmée le lendemain dans toute
la ville. Nous étions, du coup, tous sur des charbons ardents mais la nouvelle
s’est révélée une fausse alerte, comme il s’en produisait beaucoup alors. Le
jour suivant, un ancien collègue de la radio est venu me trouver : le chef
d’orchestre Czeslaw Lewicki, qui allait devenir un très grand ami. Il avait une
garçonnière au 83 de la rue Pulawka, qu’il n’occupait pas et qu’il avait
accepté de mettre à ma disposition.
    Nous avons quitté le domicile des Gebsczynski le samedi 27
février, à sept heures du soir. Il faisait nuit noire, heureusement. Nous
sommes allés rue Pulawka en pousse-pousse, sans encombre, puis nous avons
grimpé au quatrième étage en priant pour ne croiser aucun voisin.
    La garçonnière en question était en fait un appartement
confortable et meublé avec goût – une entrée avec des toilettes d’un côté et un
grand placard muni d’un réchaud à gaz de l’autre, puis la chambre avec un divan
moelleux, une penderie, une petite bibliothèque, une table et quelques bonnes
chaises. En découvrant que les étagères recelaient de multiples partitions, des
cahiers de musique et plusieurs ouvrages érudits, je me suis cru au paradis. Cette
première nuit, je n’ai guère dormi tant je voulais savourer le plaisir d’être
étendu sur un vrai matelas bien rembourré !
    Le lendemain, Lewicki est arrivé avec une amie, Mme Malczewska,
l’épouse d’un médecin, qui m’apportait quelques affaires. Nous étions convenus
de la manière dont j’allais être ravitaillé et de la marche à suivre le jour
suivant, quand le recensement aurait lieu. Il n’y avait rien d’autre à faire
que de passer la journée enfermé dans le cabinet de toilette, verrou bouclé de
l’intérieur de même que dans le cagibi du studio d’artiste auparavant ; au
cas où les Allemands s’introduiraient dans l’appartement, avons-nous estimé, il
était peu probable qu’ils remarquent cette petite porte, ou bien ils croiraient
qu’il s’agissait d’un placard condamné.
    Tôt le matin, donc, j’ai suivi scrupuleusement ce plan, non
sans emporter une pile de livres avec moi. L’endroit n’était certes pas prévu
pour une station si prolongée, et de midi jusqu’au soir je n’ai cessé de rêver
de pouvoir me dégourdir un peu les jambes. Le stratagème s’est révélé inutile, d’ailleurs :
ma seule visite a été celle de Lewicki, qui s’est présenté à la nuit tombée, inquiet
mais aussi curieux de voir comment j’avais supporté l’expérience. Il avait avec
lui de la vodka, de la saucisse, du pain, du beurre, si bien que nous avons
soupé comme des rois. Je me sentais plein de confiance, à nouveau, puisque les
Allemands avaient organisé ce recensement dans le but de ramasser tous les
Juifs cachés dans Varsovie d’un seul coup mais qu’ils ne m’avaient pas trouvé, moi…
    Étant donné qu’il habitait assez loin, nous avions décidé qu’il
ne viendrait me porter des vivres qu’une fois par semaine. En conséquence, il
me fallait occuper mon temps d’une façon ou d’une autre entre chacune de ses
apparitions, que j’attendais évidemment avec impatience. Je lisais beaucoup et
j’ai appris à préparer des plats succulents grâce aux conseils culinaires de la
femme du médecin. Un seul impératif : pas le moindre bruit. Je me
déplaçais donc tout doucement, sur la pointe des pieds, redoutant à chaque
instant de cogner un meuble ou de faire racler les pieds d’une chaise sur le
plancher. Mais les murs n’étaient pas épais et un simple mouvement inconsidéré
pouvait me trahir auprès de mes voisins. Par contre, je ne les entendais que
trop bien, eux, et notamment ceux qui vivaient à gauche du palier.
    À en juger par leurs voix, ces locataires étaient un jeune
couple qui avait l’habitude de renouer ses échanges chaque soir en se
dispensant mutuellement force petits noms d’animaux domestiques, « ma
chatte », « mon poulet », etc. Après un quart d’heure de
parfaite harmonie conjugale, cependant, le temps tournait à l’orage, la
discorde éclatait et leur collection d’épithètes commençait à s’étendre à d’autres
espèces animales pour finir invariablement avec le porc. À ce stade, une
réconciliation

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