Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
Vom Netzwerk:
ouïe.
    — Je ne puis plus porter cela tout seul, de toute façon. Voici. Minos est un membre du Grand Conseil, dont j’ignore l’identité exacte. C'est lui qui, je pense, a tenté de soudoyer l’astrologue Fregolo, comme il l’a fait pour tant d’autres. Les Oiseaux de feu ne sont pas tous des nobles, loin de là. Beaucoup sont des cittadini , infiltrés dans les administrations, ou des gens de misère, facilement impressionnables, que l’on force à croire à un rêve qui n’existe pas. Il est fort probable que ce Ramiel qui a assassiné ma chère Luciana était l’un d’eux. Je ne sais si les têtes de la secte disposent de complicités à l’étranger, mais la chose est possible. Ils n’ont pas de visage, ce qui les rend plus forts. Ils sont maîtres dans l’art du chantage dans le but de vous faire adhérer à leur cause, d’abord par de petits cadeaux, des promesses indignes et toutes autres sortes de corruptions, puis par la terreur, lorsque persuasion et conviction ne suffisent pas. Ils vous mettent dans des situations inextricables, comme celle où je me trouve en ce moment. Le coup d’Etat qu’ils préparent est pour bientôt, en effet, et vous avez raison de redouter les fêtes de l’Ascension, le moment pourrait être propice. Le Doge sera à découvert. La mascarade dont ils s’entourent est un vaste leurre, destiné à faire courir des bruits occultes et à asseoir leur capacité d’intimidation. Je sais surtout que l’un d’eux... est installé à deux pas des Procuratie , où il a loué à une tenancière des appartements de grand prix, parmi les rares qui permettent, depuis leur toit, de dominer l’ensemble de la lagune. Pour quoi faire, je n’en sais rien.
    — Il nous faut des noms, Votre Excellence ! attaqua de nouveau Canova. Des noms !
    — C'est que... Il y a bien quelqu’un, quelqu’un que je pense être derrière tout cela, qui...
    — Quelqu’un que vous pensez ? Nous ne voulons pas de présomptions, sénateur. Mais des noms !
    Il y eut un long silence. Plus personne ne bougea. Enfin, quelques mots vinrent s’échouer dans un murmure au bord des lèvres de Campioni.
    — Je vous parle du sénateur Ottavio.
    L'assemblée fut parcourue de remous. On entendit des exclamations. Canova se renfonça dans son fauteuil. Le regard de Pietro s’alluma. Puis, de nouveau, le silence. Campioni, de son côté, avait fermé les yeux, caressant des doigts l’arête de son nez. Lorsqu’il regarda de nouveau ceux qui lui faisaient face, il avait repris un peu contenance. Canova se pencha et dit, la voix tremblotante :
    — Vous mesurez la gravité de cette accusation ?
    Campioni opina lentement du chef. Il était en sueur.
    — Allez aux Procuratie et voyez. Et écoutez-moi bien. Je vais siéger tout à l’heure au Sénat. Et lorsque j’y serai, je ne serai sûr à aucun moment – je dis bien à aucun moment – que les affaires dont nous parlerons, les décisions qui seront prises, les rapports qui nous seront remis ne seront pas immédiatement répercutés auprès de ces gens, ou du moins, auprès de ceux qui, parmi eux, connaissent le poids et les enjeux des affaires publiques.
    Il conclut :
    — Messere , il y a un point sur lequel nous sommes d’accord : tout cela a trop duré. Nous devons nous unir, quels que soient les risques. Moi-même, ni mes partisans avoués, au Sénat et au Grand Conseil, ne pouvons plus fuir. Je m’engage auprès de vous à les déterminer, de façon qu’ils vous livrent à leur tour ce qu’ils pourraient savoir. Vous aurez leurs noms, et vous pourrez les compter alors parmi vos rangs comme les plus fidèles. Je sais que la traîtrise est partout, mais sur ce point, vous devez me faire confiance. Je les ramènerai à nous et nous mènerons le combat par tous les moyens dont nous disposons – même si tout cela doit être évoqué au grand jour. Le Doge accueille l’ambassadeur de France : la chose est regrettable, mais après tout, lui aussi pourrait être menacé. Je crois... que c’est tout Venise qu’il faut mettre au courant. Je ne cesserai de clamer ce en quoi j’ai toujours eu foi : il faut faire confiance au peuple de cette ville qui, comme vous le rappeliez, a traversé d’autres épreuves. Sous ses falbalas et sa gaieté de carnaval, il sait parfaitement où se trouve son intérêt.
    Cette dernière allusion fut diversement reçue par les membres de l’assemblée; pour certains, chez qui la peur du peuple était vive encore,

Weitere Kostenlose Bücher