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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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sans doute composée d’Autrichiens de sa suite, mais il a dû également compter sur un... recrutement local. La question est à présent de le débusquer avant les fêtes de l’Ascension, qui commencent après-demain... Cela ne nous laisse pas beaucoup de temps.
    Pietro réfléchit quelques secondes, hochant la tête, abasourdi.
    — Ce traité est un élément bien providentiel, dites-moi... Quelque chose m’échappe... Je n’entends plus rien à tous ces calculs. Le Doge est-il au courant ?
    — Pas encore, je n’ai aucune preuve moi-même de ce que j’avance, et ce traité n’est peut-être, en effet, qu’une aberration supplémentaire.
    — En aviez-vous parlé à Emilio Vindicati ?
    Giovanni regarda Viravolta, surpris.
    — Non.
    — Non ?... Bien. Ecoutez-moi, Votre Excellence, je vous en prie. Si von Maarken est à Venise, efforçons-nous en effet de le trouver. Mais l’autre clé est l’identité de Minos. Et s’il est bel et bien vénitien...
    — Il l’est , dit à ce moment une voix étrange.
    Pietro crut un instant qu’il s’agissait de Casanova, car cette voix lui était familière. Elle avait jailli soudain, comme un cri aux intonations tremblantes, d’une cellule voisine. Assurément, il l’avait déjà entendue quelque part. Tandis qu’il faisait un soudain effort de mémoire, le sénateur se tourna vers le couloir.
    — Il l’est, répéta l’homme.
    — Fregolo..., murmura Viravolta. L'astrologue!
    Ce dernier croupissait aux Plombs depuis son entrevue avec Pietro. Il avait été interrogé et battu, mais avait clamé son innocence. Casanova, quant à lui, se manifesta à son tour :
    — Ecoutez, je ne comprends rien à ce que vous dites, mais ça m’a l’air d’être un peu tendu, dehors... Et cette prison est de plus en plus étonnante. Puis-je m’inviter à votre discussion ? Il paraît que c’est ici le dernier salon où l’on cause.
    Le visage de Campioni s’empourpra. Pietro lui fit signe de ne pas prêter attention à son ami.
    — Fregolo ? dit Viravolta, en haussant la voix.
    — C'est vous , n'est-ce pas, qui m'avez dénoncé aux Dix ! s’écria le sénateur. Ce faux témoignage aurait dû vous coûter la vie !
    Un peu plus loin, le visage barbu de l’astrologue se tenait tout contre la lucarne. Si tous avaient pu jeter un oeil à sa physionomie, ils en eussent été bien surpris. Il était déjà loin, le temps où Fregolo interrogeait les cartes et les boules de cristal en grande pompe, dans son costume étoilé, sous les tentures. Ses vêtements était sales et déchirés, il était hagard, le visage tuméfié. Sa maigreur et la faiblesse de ses membres décharnés lui interdisaient presque tout effort musculaire. A l’intérieur de son cachot, affalé, courbé contre la porte, il laissait échapper une respiration souffrante et irrégulière. Un bruit de chaînes tintait. Il y eut un long silence, puis l’astrologue reprit, d’une cellule à l’autre :
    — Pardonnez-moi, Votre Excellence. C'est que... j'étais menacé, comme d’autres. Les Oiseaux de feu sont venus me trouver... et vous ont désigné pour être mon coupable. Mais à présent que je crains de mourir à chaque minute, et que vous êtes ici, je n’ai plus à me taire. Je n’ose croire que cela suffira à faire valoir à vos yeux ma rédemption... mais je puis encore vous aider.
    Pietro et Campioni échangèrent un regard.
    — Minos n’a pu toujours garder son anonymat, continua Fregolo.
    — Vous le connaissez donc! Vous savez son nom ? s’exclama Pietro.
    — Non. Mais je sais qui le sait. Vous avez négligé l’une des pistes dans cette triste affaire, ce me semble. Je vous parle du premier meurtre, celui du théâtre San Luca.
    — L'assassinat de Marcello ? Que voulez-vous dire ?
    — Je ne vous parle pas exactement de Marcello... Mais de sa mère. Arcangela Torretone. Elle est aujourd’hui à moitié invalide et presque folle. Elle coule des jours austères dans le couvent de San Biagio de la Giudecca. Une soeur du couvent me l’a rapporté : Arcangela raconte à qui veut l’entendre qu’elle a rencontré le Diable en personne. Les nonnes n’y voient que les élucubrations d’une pauvre femme, mais avouez que la coïncidence est troublante.
    Pietro regarda de nouveau le sénateur, tout en élevant la voix.
    — Et... c’est tout?
    — Ce peut être beaucoup, répondit l’astrologue en reniflant. Croyez-moi... Allez-y.
    Un nouveau silence tomba autour d’eux.
    — Bon.

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