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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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pire que de l’entendre pousser au milieu de la nuit des hurlements lugubres, à vous déchirer l’âme. Elle en appelle à Notre Seigneur, et nous n’avons pas le courage de l’abandonner... Même si elle rend aussi notre vie difficile, et notre recueillement bien troublé.
    — Vous dites que son fils lui rendait visite de temps en temps. Quand est-il venu pour la dernière fois ?
    La Mère supérieure réfléchit un instant, continuant de marcher à ses côtés.
    — C'était... deux jours avant sa mort, je crois. Car Marcello a été tué, n’est-ce pas? Il faut vous dire que nous n’avons pas su dans quelles circonstances cela est arrivé... Et je ne vous le demanderai pas, Santa Maria ! Je ne sais pas même si Arcangela a compris que son fils n’était plus de ce monde. Mais, Votre Excellence... nous sommes inquiètes ici. Que se passe-t-il à Venise ?
    — Rien qui doive perturber davantage la vie de votre communauté, répondit Campioni d’un ton qui se voulait rassurant.
    — Savez-vous ce que dit Arcangela ? Elle ne cesse de répéter qu’elle a vu le Diable, oui. Le Diable, le Diable ! Elle n’a que ce mot-là à la bouche. Elle se tord les mains vers le ciel, elle récite des chapelets. Je crois que c’est depuis la venue de cet homme qui...
    L'oeil de Giovanni s’alluma. Il s’arrêta.
    — Quelqu’un ? Quelqu’un d’autre est venu? Mais qui? Qui est venu, et quand ?
    Il avait posé sa main sur le bras de la Mère supérieure, la serrant plus que de raison. Intriguée, une lueur angoissée dans les yeux, elle chercha à se dégager. Les pans de sa robe, noire elle aussi, frémirent un instant dans le silence du couloir. Le sénateur bredouilla confusément des excuses. Il repartit à la charge.
    — Qui?
    — Je... je ne sais pas, Votre Excellence. Il disait être l’un de ses cousins... Il l’a vue une heure durant et, à son départ, j’ai trouvé Arcangela presque en transe. Elle était terrorisée, ça oui, le regard dans le vide. Mais cela lui arrive de temps à autre... Elle s’oublie, elle...
    — Mon Dieu. Il est venu ici. L'astrologue avait donc raison !
    Il pressa le pas, la Mère supérieure se hâtait à ses côtés.
    — Que voulez-vous dire, Votre Excellence ? Qu’y a-t-il ? Aurais-je dû... Elle est folle, vous comprenez, elle...
    — Quand était-ce ? Avant, ou après la mort de son fils ?
    — Après, je crois. Quelques jours après.
    Giovanni se passa la main sur les yeux, puis s’arrêta encore.
    — On a essayé de l’intimider, je crois, murmura-t-il.
    — De l’intimider? Mais pourquoi? Une pauvre femme comme elle, cloîtrée au couvent !
    — Ne vous inquiétez pas. Entourez-la seulement de toutes vos attentions. Pensez-vous qu’elle saurait reconnaître cet homme ? Sait-elle son nom ?
    — Je ne saurais vous le dire. Le mieux... c’est de le lui demander. Si elle a encore assez de raison pour vous parler, ou se souvenir de quoi que ce soit.
    Et là, au milieu de ce couvent aux lueurs de sépulcre prématuré, Giovanni Campioni rencontra Arcangela Torretone. La Mère supérieure frappa trois coups contre une porte de bois, puis, sans attendre de réponse, elle introduisit Giovanni dans une cellule froide et dépouillée. Une vague ouverture cernée de barreaux donnait sur le ciel nocturne. Pour tout mobilier, la pièce pavée de pierre froide n’avait qu’un lit de bois surmonté d’un gros crucifix, un tabouret, et une table pour la lecture. C'était à cette table que se trouvait Arcangela ; mais il n’y avait aucun livre devant elle. Les mains jointes sur les genoux, hagarde, les yeux dans le vide, elle semblait absorbée dans quelque contemplation intérieure. Son front était blême et inquiet. Une sourde torpeur l’habitait. Giovanni ne put retenir un frisson. Elle ne devait pas être si vieille, et pourtant, assise ainsi en silence, elle paraissait sans âge. Elle avait gardé sa cornette, qui découpait une ombre sur son visage, et d’où s’échappaient quelques mèches de cheveux gris pâle. A l’entrée du sénateur et de la Mère supérieure, Arcangela ne broncha pas ; elle ne tourna même pas la tête. La Mère supérieure s’approcha d’elle et lui posa une main sur l’épaule.
    — Arcangela, vous allez bien ? Il y a quelqu’un, ici, qui aimerait vous voir... Un membre du Sénat.
    Aucune réaction.
    — Messer Campioni souhaiterait vous poser quelques questions au sujet de... de votre fils, Arcangela.
    Lentement, Arcangela tourna

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