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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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doutait qu’il s’agît d’une seule et même personne. Il s’était retrouvé devant un bâtiment flanqué de deux imposantes colonnes à l’antique, agrémenté de portes-fenêtres qui donnaient sur une entrée et des salons immenses, et surmonté d’un dôme de verre traversé de lumière; mais, si des signes évidents attestaient d’une présence toute récente, comme ces costumes à capuchon que l’on avait trouvés abandonnés ici ou là sur le sol – souvenirs de lendemains de fête –, les lieux avaient été désertés... ou presque.
    Un valet, visiblement simple d’esprit, qui avait aidé von Maarken à charger ses bagages, s’était tapi dans un recoin de la villa. Alors qu’il s’apprêtait à fuir à son tour, il avait été contraint, à l’approche des soldats de Venise, de revenir sur ses pas et de se terrer dans un sombre débarras, sous un escalier. Il n’avait pas été très difficile de le trouver, et de le faire parler. Pietro revoyait encore son doigt tremblant indiquer la direction dans laquelle von Maarken s’était enfui. Pietro s’était aussitôt remis en chasse.
    Il avait distancé jusqu’aux soldats qui le suivaient.
    Il chevauchait donc seul, duelliste égaré sur le chemin des songes, tandis que montaient les brumes du soir, à mesure de la disparition du soleil.
    Pietro n’était plus qu’à un jet de flèche du carrosse qui s’enfuyait. Tout en continuant de talonner les flancs de sa monture, il extirpa un pistolet de sa ceinture. Il tentait d’ajuster le carrosse, mais il était encore trop loin, et tirer eût été vain. Son poing était tendu, et le pistolet devant lui faisait comme un prolongement de son bras.
    Viravolta, encore !
    Le duc rentra précipitamment la tête à l’intérieur du carrosse. C'était un nouveau choc. Il glissa le poignet sur son front, parcouru de sueurs froides. Il tenta de contrôler le tremblement qui le gagnait; ses mains gantées se crispèrent ensuite sur la canne qu’il avait emmenée avec lui. Après quelques instants, il prit une inspiration et passa de nouveau la tête par la portière pour héler le cocher.
    — Plus vite ! Plus vite!
    Il dut retenir le bonnet noir qui recouvrait ses cheveux, de peur qu’il ne s’envole.
    Le fouet et les brides claquèrent.
    L'Orchidée Noire les suivait toujours, et se rapprochait.
    — Plus vite, par tous les saints ! s’écria von Maarken.
    Les cahots de la voiture ne cessaient de s’accentuer. Von Maarken en fut même déséquilibré à l’intérieur du carrosse, et à mesure que les roues paraissaient presque rebondir sur le sol, il était projeté à droite, puis à gauche sur la banquette. Ainsi ballotté, il dut refermer la main sur l’un des petits rideaux intérieurs, de couleur mauve, qui se trouvaient de part et d’autre de la portière. Il poussa un juron, et passa pour la troisième fois la tête au-dehors.
    Cet homme qui le poursuivait, avec son manteau noir qui lui donnait des allures de chauve-souris, lui apparut soudain tel un démon ; curieux retournement que celui-là : les Stryges n’étaient plus du même côté.
    Il regarda encore ce démon – oui, c’était maintenant un mythe, une légende qui le poursuivait.
    Il galopait.
    La poussière.
    Les cahots.
    — Plus VITE! hurla von Maarken, et le sang battait à ses tempes.
    Son visage avait pris une teinte rouge.
    Pietro se rapprocha encore. Il fut bientôt si près qu’il recevait les nuages de terre qui montaient depuis le carrosse ; et le bruit était ahurissant. Il lui semblait plus tumultueux et plus assourdissant encore que toutes les festivités de l’assaut carnavalesque auquel il avait assisté le jour même à Venise. Il remonta peu à peu le long du coin arrière gauche de l’attelage.
    Il songea un instant à quelque acrobatie qui lui eût permis de s’élancer de son cheval pour atterrir par-dessus les roues, tout près de la portière. Prêt à tout, il faillit céder à cette impulsion. Il choisit finalement de donner encore du talon. Si bien qu’il passa le long de cette même portière, sans regarder le duc qui, de son côté, roulait des yeux effarés à voir ce diable glisser ainsi devant lui. Un instant, ils furent presque côte à côte : Pietro courbé en avant sur son cheval, les cheveux dansant toujours au vent, von Maarken et son visage congestionné, aux prunelles bleues agrandies comme des calots de porcelaine – ou de ces verres ronds de cristallo qu’autrefois Federico

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