Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
Vom Netzwerk:
virait de bord sous le feu croisé des bâtiments de l’Arsenal; ses voiles claquaient dans le couchant. Certaines frégates, seules, persistaient à se jeter encore dans la bataille. Mais les autres imitaient leur aînée et battaient en retraite. Pierre-François de Villedieu avait successivement perdu, puis retrouvé son sourire. Il regardait de nouveau le Doge.
    — Mais... cela fait tellement vrai..., s’étonnait-il.
    — N’est-ce pas..., dit le Doge, contrit.
    L'ambassadeur poussa soudain un petit cri hystérique, en frappant dans ses mains avec frénésie. Le Joyau de Corfou venait de disparaître parmi les vagues, jetant sur le ciel des éclairs d’incendie.
    — Oh ! Bravo ! Splendide ! Merveilleux !
    Décidément, on s’amusait beaucoup à Venise, ces temps-ci.
    — L'ennemi fuit ! L'ennemi fuit !
    Sur ces mots, le soldat s’était précipité dans la cour du palais ducal. Il était suivi d’une nouvelle escouade de gens d’armes, rameutés des Mercerie . Il s’avança pour apercevoir Pietro Viravolta, qui se redressait; il venait d’embrocher l’un des Stryges, qui se contorsionnait sur le sol dans son manteau encapuchonné. Pietro retira sa lame ensanglantée et regarda autour de lui.
    Les Oiseaux de feu. Ils s’étaient répandus par les filins, avaient plu depuis les toits, volé sur les balcons. Maintenant, il n’en restait qu’une poignée. Pietro marcha au milieu de la cour jonchée de cadavres. Un homme se précipita sur lui. Il esquiva le premier coup, para une estocade, puis fléchit les genoux pour se fendre à son tour dans une attaque qui cueillit son adversaire en travers de la gorge. Quelques instants plus tard, il gravissait les marches de la Scala d'Oro ; d’autres corps étaient étendus sur les degrés de l’escalier, certains implorant assistance. Parvenu en haut, il s’aperçut qu’à sa droite l’un des Oiseaux, encerclé par les hommes de Pavi, écartait les bras pour lâcher son épée et se rendre. A sa gauche, retranché dans l’ombre, un autre, saisi de panique, s’efforçait de quitter son manteau, essayant de profiter de la confusion. Il releva les yeux lorsqu’il vit, tout près de lui, la pointe de Viravolta prête à l’aiguillonner.
    Pietro sourit.
    — Alors ? On change de camp ?

    Par bonheur, les combats avaient été rares dans les étages supérieurs du palais. Il fut aisé de venir à bout des derniers Oiseaux qui s’étaient réfugiés dans la salle du Grand Conseil ou l’Anticollège. La tentative de l’ennemi de libérer les prisonniers des Plombs n’avait pas davantage porté ses fruits. Les Stryges venaient de comprendre que leur route s’arrêterait au seuil même de ces prisons, qu’ils ne tarderaient pas à rejoindre.
    Lorsque Pietro sortit du palais avec les officiers victorieux de la Criminale , il tomba nez à nez avec une petite fille en jupette bleue.
    Tout sourire, elle tendit vers lui sa boîte en carton.
    — Messer !
    La fillette était radieuse.
    — Pour les petites écolières de la Sainte-Trinité...
    Pietro sourit.
    Par un effet des plus miraculeux, au-dehors, la fête et le Carnaval n’avaient pas cessé. Comme par enchantement, les Vénitiens n’avaient pas perdu une miette de leur allant. Malgré le bruit et la fureur, les combats s’étaient fondus dans la cohue générale – certains d’entre eux voilés au regard de la population, d’autres si évidents que l’on avait cru au canular. Rumeur que les autorités, souriantes, s’empressèrent de relayer abondamment. Le commandant en chef de l’Arsenal avait eu partie gagnée. Du côté des offices judiciaires du Rialto, qui avaient également été le théâtre de combats acharnés, les Stryges isolés finirent aussi par capituler. Honneur insigne, ce fut la Dame de Coeur qui, introduite dans les bureaux où s’étaient barricadés les partisans de von Maarken et de la Chimère, tendit la main pour récupérer le dernier pistolet appelé à cracher de la poudre ce jour-là.
    En vérité, les festivités de la Sensa vénitienne et du Carnaval de l’an de grâce 1756 furent à nulles autres pareilles.
    Sur le Bucentaure , l’ambassadeur se pencha à l’oreille du Doge :
    — C'était extraordinaire !
    Mais, se souvenant qu’il fallait aussi faire montre, parfois, d’un certain esprit critique :
    — Un peu... pompier, toutefois.
    Francesco Loredan sourit sans répondre. Il poussa un long, long soupir de soulagement.
    Les Epousailles de la Mer étaient

Weitere Kostenlose Bücher