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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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m’avez donnés.
    — Ceux-là sont sans importance.
    Pietro haussa un sourcil.
    — Je n’en suis pas aussi sûr. C'est bien vous qui remplissez ces registres, non ? Ce client ne vous dit rien ? Ne l’avez-vous pas rencontré personnellement ?
    — Non, Messer . De toute façon, la plupart du temps, je ne reçois ici que des intermédiaires. Et c’est parfois Tazzio qui négocie à ma place. Si je devais me souvenir par coeur de tous les commanditaires, je n’aurais plus qu’à me jeter dans la lagune.
    — Oui..., dit Pietro, sceptique. Mais regardez ici. Si j’en crois la mention portée sur votre balance, il s’agissait en effet d’une demande de fabrication de lentilles de verre. Des lentilles grossissantes. C'est indiqué ici.
    — Des lentilles... Ah, peut-être. C'est possible.
    — C'est possible! Des lentilles de verre! s’étrangla Pietro. Pour douze mille ducats !
    Les deux hommes échangèrent un regard.
    — Avec autant de verre, poursuivit Pietro, inutile de vous jeter dans la lagune, Messer . On pourrait la recouvrir tout entière ! Ne me dites pas que vous ne vous souvenez de rien...
    Etait-ce seulement l’énervement d’être encore dérangé, ou Spadetti était-il réellement très, très embarrassé ?
    — Que diable peut-on faire avec des centaines, voire des milliers de lentilles grossissantes ? demanda Pietro.
    Spadetti eut un sourire un peu contrit et ôta la calotte qui recouvrait sa tête.
    — En effet, c’était une commande exceptionnelle... Il m’arrive parfois de traiter directement avec des émissaires de cours royales ou de gouvernements. Et maintenant que vous m’en parlez, je ne serais pas surpris que...
    — Et ce Minos... ce pourrait être le représentant d’une cour, ou d’un gouvernement étranger, comme vous le dites ?
    — C'est bien possible, Messer . Oui, je me souviens maintenant... C'est un commis que j’avais reçu. Devant une telle requête, on ne pinaille pas. Du moment que les ducats viennent sonner dans mon escarcelle et dans celle de la Guilde...
    Il regarda Pietro. Ses traits avaient retrouvé leur fermeté.
    — Si je ne sais quelle tête couronnée veut recouvrir son palais de lentilles, Messer , c’est son affaire. Quant à moi, je m’en moque. Et mes apprentis font le travail qu’on leur demande.
    Pietro considéra un instant le verrier, perplexe.
    — Y a-t-il un moyen de retrouver le nom et l’origine exacts de ce commanditaire ?
    — Il doit y avoir un bon, quelque part...
    Il s’arrêta.
    — Vous voulez que je le retrouve, c’est ça...
    Pietro acquiesça.
    — Et avec bonne humeur, en plus, Messer Spadetti. Il serait bon que vous vous montriez un peu plus coopératif.
    Spadetti soupira. Mais il ne savait que trop quelle ombre se trouvait derrière Pietro : celle du Conseil des Dix. Claquant les mains sur ses genoux, il finit par se lever.
    — C'est bon, c’est bon ! J’y vais...
    Il retourna en direction de son bureau de la halle d’un pas traînant. Heureusement, les recherches ne prirent pas longtemps. Spadetti semblait de plus en plus mal à l’aise. Le bon de commande qu’il présenta à Viravolta était marqué d’une signature incompréhensible. Ni sceau, ni cachet d’aucune sorte. Pietro laissa échapper un juron.
    — Messer Spadetti, vous vous moquez de moi ? Il me semble décidément que vous remplissez vos carnets de commandes d’une façon bien curi...
    Il n’eut pas le temps d’aller plus loin.
    Un ouvrier fit soudainement irruption dans le bureau.
    — Messer , c’est vous, n’est-ce pas, l’envoyé du Conseil des Dix ?
    Pietro releva les yeux. L'ouvrier, un giovane d’à peine vingt ans, avait l’air affolé. Il haletait, une main sur les genoux.
    — C'est moi, en effet. Que se passe-t-il ?
    — J’ai un message pour vous, de la part de votre valet et d’un membre de la Quarantia Criminale ...
    — Eh bien, rassemblez vos esprits, jeune homme. Que se passe-t-il ?
    Le garçon se redressa :
    — Il s’est produit une chose affreuse.

    Durant tout le temps que Pietro avait passé dans l’atelier de Spadetti, des nuages noirs s’étaient accumulés au-dessus de Venise. Un orage d’une violence inouïe venait d’éclater. L'eau de la lagune commençait à s’agiter furieusement; il s’en fallut de peu que Pietro ne puisse parvenir à sa destination. Lorsqu’il débarqua sur le parvis de l’église San Giorgio Maggiore, une centaine de personnes s’y étaient déjà amassées, figées sous la

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