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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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République ?
    Spadetti plissa les yeux. Apparemment, l’homme était seul.
    Ils se parlaient, dans l’immensité de ces halles désertes.
    — Et les Ténébreux vous ont convoqué pour interrogatoire, jusqu’au palais...
    Minos marqua un temps, puis soupira. Lentement, il attrapa une chaise de bois sur laquelle il s’assit, auprès d’un bac où l’on coulait d’ordinaire des pièces de verre brûlant.
    — Que leur avez-vous dit, Federico ?
    — Rien, répondit ce dernier. Rien du tout.
    — Ils ont découvert... pour ma petite commande. N’est-ce pas ?
    — Ils n’ont pas eu besoin de moi pour cela. Et les Dix auraient pu le découvrir plus tôt. L'un de leurs hommes a eu un peu plus de jugeote que les autres ; c’est tout.
    — C'est tout, oui, bien sûr...
    L'homme avait croisé les jambes. Federico se tut encore quelques secondes, avant de reprendre :
    — Ces lentilles... Des milliers de lentilles de verre... Ils n’en savent pas plus que moi, Messer . Qu’en avez-vous fait ?
    — Je crains, Federico, que cela ne vous concerne en rien. Je vous avais pourtant bien dit de faire disparaître toute trace de cette commande.
    — Ils s’apprêtaient à interroger mes apprentis, qui connaissent chacune des pièces sur lesquelles ils ont travaillé. Ce faisant, c’était moi qui risquais de me trouver dans l’embarras. Je ne peux faire disparaître par miracle des écritures comptables, Messer. Mes balances sont surveillées comme toutes celles de la Guilde. Je n’ai pas besoin de vous rappeler les termes de notre contrat : je n’y ai pas dérogé. Je me suis seulement arrangé pour qu’ils ne puissent remonter jusqu’à vous, ainsi qu’il était convenu. Et ils ne le peuvent pas... pour le moment.
    Minos eut un rire. La menace, à peine voilée, ne lui avait pas échappé. Un rire saccadé, sous cape, comme s’il mettait une main devant sa bouche. Et pour la première fois, Spadetti sentit la nervosité le gagner.
    — C'est votre point de vue, Federico. Moi, je crois qu’en voulant vous préserver, vous avez ménagé la chèvre et le chou, en bon commerçant que vous êtes. Mais voyez-vous... le Diable vomit les tièdes, Messer Spadetti.
    — Ecoutez : le Diable, Lucifer, toutes ces foutaises ne m’impressionnent pas.
    — Ah, tiens? Vous avez bien tort, Messer Spadetti. Bien tort...
    L'homme se pencha. Sa voix se fit sourde, incisive.
    — Le nom de Minos figurait encore sur le registre, n’est-ce pas ?
    — Et alors ? Minos ne veut rien dire.
    — Croyez-vous que le juge des Enfers ne veuille rien dire , Spadetti ? Pourquoi avoir accepté notre commande, si vous étiez incapable de respecter l’intégralité de vos engagements? Je vais vous le dire... Parce que vous avez été trop gourmand, mon ami. Un vilain défaut, et un péché capital. Vous n’avez songé qu’à forcir votre fortune par cette nouvelle commande... Mais pourquoi? Pour que votre fils puisse achever à temps... cette robe de cristal, peut-être ? Pour lui, Spadetti ? Oh, rassurez-vous, ce n’est pas à la Guilde que j’en veux. Vous êtes comme le reste de ses membres, Spadetti. Comme ceux qui, jadis à votre place, vendirent l’honneur de la République en se laissant soudoyer par les agents français et la clique de Colbert... Prêts à livrer tous les secrets de l’Etat pour peu que l’or vous éblouisse au bout du chemin... Vous êtes comme la moitié des corporations véreuses de cette ville, prêtes à se vendre à l’étranger. Mais au bout du chemin, Spadetti, ce n’est pas l’or qu’il y a. Pas l’or...
    Minos se leva. Spadetti se raidit. Il regarda de nouveau en direction du tisonnier.
    — Je vous ai dit que je n’en voulais pas à la robe de cristal, non...
    Spadetti vit pour la première fois le sourire de l’homme.
    Un sourire étincelant, comme ses yeux.
    — Mais à vous.
    Federico se jeta en hurlant en direction de l’établi, prêt à se saisir du tisonnier.
    Il n’alla pas jusque-là.
    L'homme avait bondi lui aussi. De toutes ses forces, il lui planta une lame dans l’estomac. Il la maintint là, vissée au creux de ses entrailles. Son poignet tourna et retourna dans la plaie tandis que le verrier, roulant des yeux effarés, crachant des flots de sang, s’affaissait peu à peu contre lui. Enfin, l’homme ôta la lame et la mit devant les yeux de Federico.
    — Regardez, Spadetti, et notez l’ironie : c’est avec l’un de vos propres stylets de verre, à crosse de nacre, avec

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