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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Malcolm lui répondirent d'un geste de la main. Détenteur de l'autorité pendant l'absence du maître de Soledad, le major, aussi respectueux du protocole que son vieil ami, avait tenu à saluer le départ du lord et de son voilier.
     
    Après une matinée de prudente navigation jusqu'au nord-est de l'île Great Abaco, le Phoenix prit une route hauturière pour chercher, à proximité de la côte des Carolines, sous la poussée des alizés, le bon courant du Gulf Stream qui porte vers le nord.
     
    – Sur cette route, nous aurons des vents légers, peut-être un ou deux coups de vent fort, mais les cyclones venus des Bermudes se manifestent rarement en juillet. Nous courrons plus de risques si nous faisons retour en automne, dit Rodney lors du premier dîner que le second présida.
     
    Lord Simon recevait, ce soir-là, avec le commandant Colson, les époux Weston Clarke et Margaret Russell dans sa salle à manger privée.
     
    Après le repas, Desteyrac et Tilloy allumèrent leur pipe et se mirent à déambuler sur le pont dans la fraîcheur de la brise marine. Ils furent bientôt rejoints par Malcolm Murray, qui depuis l'embarquement se montrait maussade, le regard empreint de mélancolie. Mark Tilloy soupçonna une première atteinte du mal de mer, mais l'architecte le détrompa. Comme Charles s'étonnait à son tour de cette mine défaite, Murray confessa que l'océan lui rappelait combien l'Angleterre était lointaine, et que le Phoenix avait été le théâtre de l'accident qui le laissait avec une jambe plus courte que l'autre.
     
    – Cela n'est nullement perceptible, sir, dit Tilloy.
     
    – Mais je le sais. Et quand je ne porte pas cette chaussure à talon surélevé, je le sens. À New York, il y aura bal chez Jeffrey Cornfield, peut-être dans d'autres familles, et je ne me risquerai pas à inviter une demoiselle, dit l'architecte, amer.
     
    – Qui marche comme vous peut danser, observa Mark Tilloy.
     
    – Le lieutenant a raison. D'ailleurs, je vous ai vu danser à la fête du goombay . Vous étiez très alerte et teniez bien la cadence animée, renchérit Charles.
     
    Murray se redressa, la narine frémissante.
     
    – Vous n'allez pas comparer un trémoussement primitif en compagnie d'Indiennes arawak avec une valse, quand on doit conduire une jeune fille de la bonne société new-yorkaise lança-t-il, agacé.
     
    Comme Desteyrac et Tilloy se taisaient, Malcolm devint persifleur, presque sarcastique.
     
    – Naturellement, quand on est au mieux avec une sauvageonne américanisée, on peut ne plus être sensible à ce genre de distinguo, lança-t-il, s'adressant à Charles, le regard courroucé.
     
    Tilloy comprit l'allusion et, ne voulant pas être témoin de la discussion qui menaçait alors que l'honorable Malcolm Cuthbert Murray, stimulé par les libations du dîner, devenait agressif, il crut prudent de s'esbigner. Prétextant une raison de service, il s'éloigna, laissant tête à tête le Français et l'Anglais.
     
    Dès que l'officier fut hors de portée de voix, Charles lança sa réplique.
     
    – La filleule de lady Lamia, dont vous connaissez comme moi le géniteur oublieux, pourrait, je pense, en remontrer, quant aux mœurs et aux manières, à certaine lady que nous allons retrouver à New York en puissance de fiancé, mon cher Malcolm, riposta sèchement Desteyrac.
     
    – C'était une simple réflexion, répondit Murray, soudain contrit.
     
    – Que je trouve déplacée et offensante pour Ounca Lou et pour moi-même, reprit Desteyrac.
     
    – Me retrouver sur ce bateau, avec la perspective d'être à New York au milieu d'inconnus qui découvriront ma boiterie dissimulée, me conduit à me montrer injuste envers une fille que je ne connais pas, et désagréable avec vous. Veuillez, mon ami, me pardonner ce mouvement d'humeur, s'excusa Murray.
     
    – Je pourrais, pour l'honneur de cette jeune fille, vous provoquer en duel, dit Charles en prenant affectueusement la bras du jeune homme.
     
    – Notre premier duel m'a assez humilié pour que je n'en accepte pas un second, répliqua Malcolm.
     
    – De ce jour, je vous le rappelle, date notre amitié. Et j'en suis fort heureux, murmura l'ingénieur.
     
    – Oui, vous êtes mon ami et je vous dois d'avoir appris à accepter la vie telle que la Providence l'organise pour chacun de nous. Mais, puisque vous ne me tenez pas rigueur de ma réflexion… déplacée, dites-moi : seriez-vous sérieusement amoureux

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