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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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planteurs de Louisiane et des Carolines que lord Simon a si bien reçus, apparaît comme la meilleure solution ? avança Charles.
     
    – La seule solution honnête, humaine et durable est, mon cher Charles, l'indépendance de l'île de Cuba, dont les habitants de toutes races se donneraient librement, et à l'écart des influences étrangères, un gouvernement et des lois de leur choix, assena Malcolm Murray.
     
    – Voilà bien la plus touchante utopie qu'on connaisse ! s'exclama Edward Carver en donnant le signal du départ.
     

    Parmi les dispositions que prit Charles Desteyrac avant l'embarquement pour New York, la mise hors service du va-et-vient entre Soledad et Buena Vista lui fournit l'occasion de revoir Ounca Lou qui, souvent, occupait ses pensées. L'ingénieur ne voulait pas laisser le transbordeur sans surveillance pendant son absence et celle de Tom O'Graney, rappelé par le commandant Colson pour assurer son service de chef charpentier à bord du Phoenix durant la traversée vers les États-Unis. Avant le démontage de la benne, il se rendit chez lady Lamia, qu'il trouva, comme il l'espérait, en compagnie de sa filleule.
     
    – Mon absence pourra durer longtemps. Je ne reviendrai qu'avec les éléments métalliques du pont. Il ne me restera qu'à les assembler et à lancer l'ouvrage. Ensuite, ma mission étant terminée, vous n'aurez plus à subir ma présence, lui dit-il.
     
    Les deux femmes se récrièrent et Lamia, la première, intervint :
     
    – Vous nous manquerez beaucoup, monsieur Desteyrac, car, depuis que vous êtes arrivé à Soledad, ma vision du genre de vie qu'on y mène a un peu évolué. J'ai compris – et Ounca Lou, qui vient de passer des années à New York, m'y a aidée – que Soledad est, dans l'archipel, une sorte d'échantillon de colonie moderne. Je ne puis plus espérer, dans le monde que nous préparent les inventions nouvelles où tout va vite et tout se sait, que maintenir dans les esprits, mais non plus, hélas, dans les mœurs, l'existence rustique et naturelle de nos derniers Arawak. Vous m'avez convaincue, sans y insister, que je ne pouvais m'arroger le droit de priver des familles indiennes de ce qui peut améliorer leur vie, leur éducation et même leur santé en les confinant dans une sorte de réserve pareille à celles où les Américains cantonnent, paraît-il, les Peaux-Rouges. Au sens social du terme, pour parler comme votre Rousseau, votre ouvrage sera vraiment un pont entre passé et présent, entre une civilisation révolue et une civilisation en marche. De cela, je vous suis reconnaissante, et je sais que ma filleule pense comme moi.
     
    Cette tirade, prononcée d'une voix douce, teintée de mélancolie, émut Charles. Il prit dans les siennes les mains de Lamia et les serra.
     
    – Vous m'avez aussi beaucoup appris, chère lady. Vous m'avez fait découvrir que le progrès n'est pas incompatible avec une vie saine, et aussi que nous nous encombrons en Europe de beaucoup d'objets, et même d'idées, dont on peut aisément se passer. Me permettrez-vous, pendant mon séjour aux États-Unis, de vous écrire ?
     
    – Écrivez à Ounca Lou. Elle a de l'amour-propre et ne vous le dira pas, mais je suis sûre qu'elle guettera avec impatience votre retour. Car vous êtes maintenant des nôtres, n'est-ce pas ? dit Fish Lady en portant un regard tendre sur sa filleule.
     
    – Je n'ai pas honte d'avouer, fit celle-ci, que j'aurais aimé renouveler nos baignades dans Pink Bay et aussi vous emmener à Eleuthera pour vous montrer, à vous Français républicain, les vestiges de ce qui fut, au XVII e  siècle, la première république du Nouveau Monde.
     
    – Voilà un plaisir en perspective qui m'aidera à patienter jusqu'à notre revoir, répondit Charles en s'inclinant pour prendre congé.
     
    Il baisa la main de Lamia et allait serrer celle de la jeune fille quand celle-ci lui prit le bras.
     
    – Je vous raccompagne jusqu'au tonneau volant ! proposa-t-elle, désignant la benne du va-et-vient du nom que lui donnaient les indigènes.
     
    Lady Lamia leur fit signe d'aller et s'éloigna sous les palmiers.
     
    – Puis-je vous dire, sans paraître outrageusement sentimental, qu'il me coûte de quitter les îles en ce bel été ? Surtout pour Pittsburgh, dont lord Simon dit que c'est la ville la plus enfumée de l'Union.
     
    – Mais, à New York, vous trouverez toutes sortes de distractions. Et puis, les fiançailles d'Ottilia

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