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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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humeur depuis le départ.
     
    Certains soirs, le lord se mettait à l'orgue et, pour distraire ses invités, interprétait des pièces « des Bach », comme il aimait à dire. Car ce mélomane connaissait aussi bien les œuvres de Johann Sebastian que celles de ses fils Carl Philipp Emanuel et Johann Christian. Il lui arrivait aussi d'accompagner Margaret Russell, qui, se flattant de posséder une belle voix, chantait, sans se faire prier, de vieilles mélodies anglaises qui mettaient des larmes aux yeux de Rodney et de Tilloy.
     
    Un dimanche étant inclus dans le temps du voyage, Simon Leonard tint, en l'absence d'un ministre du culte anglican, à rassembler invités et équipage sur le gaillard d'avant. À sa demande, les assistants récitèrent des psaumes et Margaret Russell, épouse de pasteur, donna le ton d'un chant de circonstance. Puis, lord Simon prononça une allocution en forme de sermon.
     
    – Les chemins de la mer sont périlleux, commença-t-il. Pensons, nous qui bénéficions ce jour de la clémence des éléments, à tous les marins qui dorment dans l'immense mausolée liquide sur lequel nous naviguons !
     
    Emporté par un lyrisme que ni Charles ni Malcolm ne lui connaissaient, il conclut en comparant « les vagues à chevelure déferlante à des sirènes infernales, montées des abysses, un jour pour bercer les navires, le lendemain pour les noyer ».
     
    – Son sermon n'a rien de très orthodoxe, mais avouez qu'il vaut bien ceux qu'on entend, chaque dimanche, dans nos églises d'Angleterre, dit Philip Rodney à Murray, dont le sourire disait assez qu'il trouvait plus bouffonne qu'édifiante l'homélie emphatique de son oncle.
     
    Le Phoenix n'ayant rencontré que des vents favorables et un Gulf Stream bon porteur, la traversée fut plus rapide que prévu. Au matin du cinquième jour de navigation, les passagers découvrirent avec surprise, dans une brume de chaleur inattendue, le phare de Sandy Hook, à l'entrée de la baie inférieure de New York. Le commandant Colson fit aussitôt réduire la toile.
     
    – Nous avons parcouru neuf cent soixante-quinze milles, naviguant parfois à plus de quatorze nœuds, constata l'officier, satisfait.
     
    – Un vapeur n'aurait pas fait mieux, avança Charles.
     
    – Qui ne perd pas de temps en a toujours assez, énonça l'enseigne Michael Hocker, écrivain du bord, toujours prompt à citer un dicton de circonstance.
     
    – Et, comme vous le voyez, point n'est besoin d'attendre le pilote, reprit Mark en désignant un petit bateau à vapeur qui, sous un panache de fumée noire, avançait à la rencontre du Phoenix .
     
    – Il existe entre ces pilotes lamaneurs une telle concurrence, car les droits de lamanage sont ici très élevés, que les plus intéressés vont aborder les navires à des dizaines de milles du port, expliqua le commandant en ordonnant qu'on déroulât l'échelle de corde afin de permettre au pilote de monter à bord.
     
    Dès lors, le Phoenix fut guidé vers les Narrows, l'étroit passage qui, entre Staten Island et Long Island, donne accès à la baie supérieure de New York, puis à l'Hudson « et au plus grand port du monde », dit, non sans fierté, le pilote américain, flatté d'avoir à diriger un aussi beau navire.
     
    Mark Tilloy n'en était pas à son premier séjour aux États-Unis. Accoudé à la lisse entre Charles et Malcolm, il indiqua quelques sites remarquables.
     
    – Voici Governor's Island, avec son fort construit en 1812, quand les Américains redoutaient une invasion anglaise.
     
    Désignant ensuite de l'index la pointe de Manhattan, qu'il nomma la Batterie, il attira l'attention des deux amis sur une laide et vaste rotonde de pierre grise.
     
    – Elle a été bâtie sur les fondations d'un autre fort, le fort Clinton. Après 1812, quand le danger d'invasion fut passé, la forteresse, aménagée et agrandie, devint salle de spectacles sous le nom de Castle Garden. Votre grand La Fayette y fut reçu en 1824, dit-il en se tournant vers Charles.
     
    – Et, en 1840, la cantatrice Jenny Lind y connut son premier succès américain, compléta Hocker, grand amateur d'opéra.
     
    – Aujourd'hui, Castle Garden est le centre d'accueil de milliers d'émigrants qui débarquent chaque mois en Amérique, rêvant d'une existence meilleure que dans leur pays. Depuis 1847, date à laquelle les autorités de New York ont commencé à tenir des statistiques, il est entré par cette « porte

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