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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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indiqua Malcolm.
     
    – Elle n'aura sans doute pas plus de succès avec ce puritain attardé, observa l'ingénieur.
     
    – Eh, pas sûr, mon ami ! Quand Anaïs Sampson raconte que sa mère a ouvert un bal avec Thomas Jefferson et montre, blotti entre ses seins comme une amulette, un éclat de bois qu'elle dit arraché par un de ses ancêtres au cercueil de George Washington, notre banquier a l'œil humide. Lui qui ne possède qu'une fiole contenant des feuilles de thé ramassées à Boston après la fameuse Tea Party 3 de 1773, pense peut-être à rassembler ces reliques !
     
    – On pourrait célébrer le même jour le mariage du fils et celui de la mère, plaisanta Charles.
     
    – C'est peut-être son idée. Elle a vite compris, en tout cas, que je connais sa véritable situation financière, puisque mon oncle m'a chargé de régler toutes les dépenses de cette dame. Elle a donc été contrainte de me faire certaines confidences. Vous n'imaginez pas son cynisme. Elle m'a dit : « J'ai vécu dans le mariage dix-huit ans d'asservissement et d'entraves. Je me disais que je m'ennuyais, mais je gagnais mon argent. Et puis, pffft ! pffft ! que des dettes ! » rapporta Murray.
     
    – Ottilia et Edwin peuvent-ils espérer construire un bonheur sur des fondations aussi équivoques ? interrogea Charles Desteyrac.
     
    – Mon ami, Ottilia ne sera jamais une femme heureuse. Sa nature se rebelle devant tout ce qui permet aux humains ordinaires de se sentir plus ou moins à l'aise dans la vie. Pour Otti, l'existence est une course d'obstacles. Des obstacles qu'elle construit elle-même à plaisir, comme pour rendre la plus humble et la plus banale félicité inaccessible, commenta l'architecte.
     
    – Dans ce cas, nous devons plaindre le brave Edwin, amoureux béat, tendre, respectueux, plein de bonne volonté. Lui doit aspirer au bonheur conjugal le plus simple et le plus serein, observa Desteyrac.
     
    – Les rouages d'Ottilia sont trop subtils pour ce militaire rustique. Il ne voit en elle qu'une belle fille riche. En avant marche, une deux, une deux, à droite droite, demi-tour, alignement, mariage, enfants, galons, étoiles, si possible une petite guerre de temps en temps : telle est sa voie, tel, son idéal ! Comment une femme ne sauterait-elle pas de joie devant de telles perspectives d'avenir ? se moqua Murray.
     
    – Les petites Cornfield sont moins compliquées que leur cousine. Comparée à la personnalité si originale d'Ottilia, l'animalité de ces demoiselles est presque rassurante, fit Charles pour changer de sujet.
     
    – Si je comprends bien, vous avez fait l'objet, vous aussi, de leurs assauts. Ces jeunes femelles ont failli me violer. Quand l'une d'elles, Ann, la plus jeune, je crois, est venue frapper à ma porte après le dîner, sous prétexte de me rendre l'almanach que son père m'avait emprunté, je l'ai fait recevoir par Gertrude en chemise de nuit. Elle a compris que je ne mettais dans mon lit que de vraies femmes, avoua Malcolm.
     
    – Ainsi, la belle Alsacienne et vous….
     
    – Oui, mon cher. Quand je lui ai avoué ma boiterie dissimulée et la cause de celle-ci, Gertrude a pleuré et m'a dit : « Vous n'en méritez que plus d'amour. » Une fille consolante au cœur tendre, au corps brûlant. Callipyge comme je les aime, chair blanche, buste de marbre, cuisses lourdes et lisses. Ajoutez à cela une lenteur suave dans les prémices, une retenue voluptueuse dans l'étreinte, avant l'apothéose volcanique. Nos Anglaises sont des banquises et nos Arawak des feux de paille, comparées à cette fille d'Alsace !
     
    – Et que dit lady Ottilia de cette relation intime avec sa suivante ?
     
    – Elle est enchantée et protège d'une manière intéressée notre liaison.
     
    – Intéressée ? s'étonna Charles.
     
    – Gertrude, qui n'a jamais voulu d'un amant américain, menaçait de quitter Ottilia et de rentrer en Angleterre ou en France, parce que l'abstinence commençait à lui peser. Je suis arrivé au bon moment. Nous sommes donc tous satisfaits ! s'exclama l'architecte, hilare.
     

    Tandis que l'honorable Malcolm Murray, amant comblé, se rendait avec les Sampson chez l'orfèvre Charles Lewis Tiffany, qui depuis 1837, au 45 Broadway, fournissait en bijoux toute la bonne société new-yorkaise, Charles Desteyrac se laissait conduire par Mark Tilloy chez Arnold Constable.
     
    L'essayage prit peu de temps. Habit à basques, gilet de piqué,

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