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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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démarche, l'Anglais boitait légèrement.
     
    – Il faudra que vous veniez visiter mon hôpital, en service depuis quelques semaines, dit-il.
     
    Il désigna un bâtiment blanc, formé d'un corps principal et de deux ailes en U, incrusté au flanc de la colline qui, derrière Cornfield Manor, s'élevait jusqu'aux ruines de Pirates Tower. Construit autour d'une esplanade divisée en massifs par des allées bordées de jeunes palmiers, l'ensemble, dans le style colonial cossu, s'intégrait harmonieusement au paysage, que l'architecte et le commanditaire avaient tenu à respecter.
     
    – J'aurais voulu doter le bâtiment central d'un beffroi élevé pour qu'on voie de loin le cadran solaire qui le décore, mais j'ai dû compter avec les ouragans. Ces vents fous ont, semble-t-il, horreur de tout ce qui dépasse le relief naturel. Bien qu'abritée par un talus, votre maison de Southern Creek a d'ailleurs souffert de cette agressivité venteuse. Lady Lamia m'a fait aussitôt prévenir et tout a été remis en état, sous mon contrôle, par ses ouvriers. À cette occasion, j'ai apprécié les qualités de maîtresse de maison de la très belle Ounca Lou. Elle est prête à tout pour vous plaire, veinard ! s'exclama Malcolm.
     
    – Je ne souhaite que lui plaire, moi aussi, reconnut Charles.
     
    – Si j'en suis heureux pour vous et pour elle, je suis en revanche un peu inquiet pour Ottilia. L'avez-vous revue à New York, et comment l'avez-vous trouvée ?
     
    – Je ne l'ai pas revue depuis ses fiançailles. Lors de mon bref passage de retour, elle se trouvait à Washington, chez la veuve Sampson. Elle y attendait son fiancé, qui devait arriver du Texas. Mais vous n'êtes pas seul à vous soucier de la santé de votre cousine. La gouvernante de Jeffrey Cornfield, m'a dit que, depuis quelques semaines, Ottilia paraissait sans entrain, passait des heures dans sa chambre et refusait les invitations. En savez-vous davantage ?
     
    – Guère plus. J'ai appris par Gertrude, qui m'écrit chaque semaine et dont l'absence me pèse aussi bien au lit qu'au salon – ne riez pas, nous sommes tombés bêtement amoureux l'un de l'autre ! –, qu'Otti est allée discrètement consulter, en privé, dans sa prétentieuse maison de style néogrec, sur Bloomingdale Road, le docteur Valentin Mott, l'éminent praticien de l'hôpital Bellevue.
     
    – Le fiancé serait-il devenu mari… ou amant avant son départ pour le Texas ? Otti serait-elle enceinte ? risqua Charles.
     
    – Diagnostic à écarter, mon ami, dit vivement Malcolm, ce qui fit craindre à Charles d'avoir commis une bévue.
     
    – Écartons-le donc. Gertrude vous en a-t-elle donné un meilleur ?
     
    – Le médecin pense à cette forme de mélancolie qui fait qu'on ne trouve plus de charme à la vie et qui ôte le goût de faire des projets. Elle peut conduire à la prostration, à l'insomnie, au refus de se nourrir. Otti, heureusement, n'en est pas à ce stade, mais Gertrude a le sentiment qu'elle voit sans plaisir approcher le mariage, bien qu'elle dise en même temps avoir hâte qu'il soit conclu pour se sentir à nouveau libre, rapporta Murray.
     
    – Drôle de conception du mariage ! observa Charles.
     
    – Tout ce que conçoit Ottilia est déroutant pour un esprit cartésien tel que le vôtre, persifla Murray.
     
    En devisant, les deux hommes étaient arrivés devant la maison de Desteyrac.
     
    – Je pense, Malcolm, que vous souhaitez comme moi que votre cousine, qui vous est presque une sœur, soit heureuse et quiète, dit Charles.
     
    – Le bonheur et la quiétude ne sont pas dans la nature d'Otti. Puisse-t-elle seulement finir par s'accepter telle qu'elle est, et prendre la vie telle que le destin l'impose, acheva Malcolm, sibyllin.
     
    Les deux hommes se serrèrent la main et Charles regarda s'éloigner, blanche silhouette claudicante dans la nitescence lunaire, le seul véritable ami de lady Ottilia.
     

    À l'aube, Desteyrac réveilla Timbo et fit atteler Zéphyr.
     
    – Prends des provisions. Il se pourrait que nous dormions à Southern Creek, ordonna-t-il.
     
    L'Arawak consulta la montre que Charles lui avait offerte et qu'il portait en sautoir, suspendue par un lacet de cuir.
     
    – Mossu l'Ingénieu' sait qu'il est pas enco'e cinq heu'e et qu'y a pas enco'e soleil, dit-il, étonné.
     
    – Retiens ça : l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Et maintenant, en route ! lança Charles.
     
    Les

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