Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
lieutenant Tilloy, avec qui, je crois, vous avez sympathisé pendant la traversée, ira vous prendre chez vous, avec mon cocher, et vous conduira sur les lieux. Vous pourrez ainsi vous faire une première idée de l'affaire. Rappelez-vous que je vous ai fait venir de France pour accomplir cet important travail. Au revoir, monsieur.
     
    Avant même que Charles ait eu le temps de prendre congé, Cornfield avait planté là son visiteur, tourné les talons, quitté la galerie et disparu dans la maison, dont il repoussa la porte vitrée avec fracas.
     
    Dépité par cet accueil et prévoyant que l'autoritarisme du maître de l'île ne faciliterait guère sa mission, Desteyrac descendit l'escalier en admirant les massifs fleuris, aussi nettement dessinés et entretenus que ceux des propriétés du Sussex. Sans trop savoir où se diriger, il prit l'allée qui conduisait au portail, par laquelle il était venu. Timbo, qui devait guetter son appartition, se précipita à sa rencontre.
     
    – Mossu l'Ingénieu' va chez si' Edwa'd Ca've', main'ant ? demanda-t-il.
     
    – Allons chez le major, dit Charles, résigné, en se dirigeant vers le dog-cart attelé d'un cheval bai et arrêté au-delà des grilles.
     
    – C'est vot' ca't à vous, main'ant, Mossu l'Ingénieu'. Le g'os Pibia, l'intendant de Co'nfield Mano', l'a dit. J'ai choisi Zéphy', un bon cheval bien vif, expliqua, chemin faisant, l'Arawak.
     
    La demeure d'Edward Carver était, au contraire de Cornfield Manor, du plus pur style colonial, beaucoup plus modeste et faite de bois. Elle reposait sur des plots de pierre, qui assuraient la circulation d'air sous la maison, et comportait, en façade, une modeste galerie. Deux chiens-assis annonçaient, sous la toiture en tuiles de bois, des pièces mansardées.
     
    L'intérieur se révéla d'un raffinement rustique, même si les deux qualificatifs passent souvent pour antinomiques. L'ameublement de la pièce principale, plongée dans la pénombre derrière les jalousies entrebâillées, révélait le confort que les Anglais transportent sous toutes les latitudes. Devant la cheminée, dont le conduit de brique s'élevait, comme dans toutes les constructions de l'île, à l'extérieur, plaqué contre le pignon de la maison, de grands fauteuils de rotin tressé entouraient un guéridon. Un plateau d'argent ciselé, supportant une carafe en cristal taillé et des verres, rappelait le goût du maître de maison pour le vin de Porto.
     
    Contre une cloison s'appuyait une large bibliothèque contenant de nombreux ouvrages, le plus souvent brochés. Le major appartenait à la catégorie des vrais lecteurs, intéressés par le contenu des livres, plutôt qu'à celle des bibliophiles, amateurs de belles reliures et éditions rares. Un tapis persan recouvrait une grande partie du parquet. Le plafond blanc, soutenu par des poutres sang-de-bœuf, captait le peu de lumière qui pénétrait dans cette pièce où l'on devinait qu'il devait faire bon vivre. Dans un angle du salon, Carver usait d'une grande table de teck comme d'un bureau. Un cabinet d'origine indienne, aux panneaux inscrustés d'ivoire, complétait le mobilier.
     
    Vêtu d'un large pantalon et d'une blouse de coton blanc serrée à la taille par une tresse de cuir, le major vint au-devant du visiteur. Après les banalités d'usage, il invita Charles à prendre place dans un des fauteuils pourvus de coussins de la même toile fleurie que les doubles rideaux à demi tirés qui ajoutaient encore à la pénombre.
     
    – Votre bungalow sera prêt cet après-midi, et vous pourrez, la nuit prochaine, dormir chez vous, dit le major. Je suis désolé de vous avoir imposé une nuit supplémentaire sur un bateau que vous aviez sans doute hâte de quitter !
     
    – Rappelez-vous que j'ai moi-même choisi de rester à bord, alors que vous m'aviez fort aimablement offert de passer la nuit dans votre maison, dont j'admire l'agencement, rectifia Charles.
     
    Le sourire de Carver indiqua qu'il appréciait que Charles Desteyrac ne fût pas homme à entendre sans réagir l'interprétation inexacte d'un événement, fût-il le plus anodin.
     
    – En restant à bord, vous avez fait preuve d'une méritoire sympathie pour l'honorable Malcolm Murray, qui doit actuellement vous succéder à Cornfield Manor. Mais concevez que je pouvais être gêné de différer le moment de votre installation près de chez moi. Nos gens, vous le découvrirez bientôt, sont honnêtes,

Weitere Kostenlose Bücher