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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pardonnerez, j'imagine, l'absence de témoins, et accepterez le major Edward Carver comme directeur du combat, exposa Charles avec sérieux.
     
    – Qu'il vérifie nos armes et qu'on en finisse, grogna Malcolm, qui connaissait les règles du duel.
     
    Le major s'exécuta.
     
    – J'espère, messieurs, que vous avez le ventre libre, commença le major, attaché aux usages.
     
    Sans attendre de réponse, il reprit :
     
    – L'honorable Malcolm Cuthbert Murray ne dispose que de deux balles. Or, le code prévoit que le nombre de balles échangées sans résultat ne peut être inférieur à quatre, constata l'arbitre, tout à son rôle malgré l'angoisse qui le tenaillait.
     
    – Une me suffira pour punir M. Desteyrac de ses insolences, lança Murray, de plus en plus nerveux.
     
    Sans relever le propos, Charles demanda au major de retirer trois des cinq balles de son colt afin de rendre chances et risques égaux.
     
    Edward Carver, qui n'en était pas à diriger son premier duel au pistolet, mesura vingt pas, marqua d'une pierre chaque extrémité de son parcours, sortit une pièce de son gousset, et l'on tira les places au sort. Charles se trouva avec le soleil à droite. Le major arma lui-même les pistolets et les tendit aux adversaires.
     
    – Chacun de vous, messieurs, peut tirer du bras qui lui convient. M. Desteyrac ne voit pas d'inconvénient à ce que l'honorable Malcolm Murray, étant donné son état physique, prenne, de sa main libre, appui sur sa canne. Maintenant, messieurs, veuillez gagner vos places, ordonna le major.
     
    Quand les adversaires se firent face à distance réglementaire, Edward Carver, respectant strictement le code du duel, donna les dernières consignes.
     
    – Tenez-vous droits, jambes écartées de deux pieds, bras armé allongé le long du corps, le canon de votre arme dirigé vers le sol, la crosse du pistolet touchant la cuisse. Restez immobiles et attendez mon commandement. Je dirai : « Feu : un – deux – trois. » Vous devrez tirer entre feu et trois. Celui qui tirerait avant feu et après trois serait disqualifié, précisa le major.
     
    Il attendit qu'un mockingbird eut achevé sa trille ironique.
     
    – Messieurs, êtes-vous prêts ?
     
    Les réponses étant affirmatives, l'ultime cérémonial fut lancé.
     
    – Feu : un – deux – trois ! cria le major.
     
    Le dernier ordre se perdit dans le bruit des détonations simultanées. Murray gisait, affalé dans les hibiscus. Charles vint à lui aussi vite que Carver. Les deux hommes aidèrent le jeune homme à se relever. La pâleur du visage révélait l'émotion ressentie. Malcolm tendit la main à Charles, qui la retint affectueusement.
     
    – Vous êtes un fameux tireur, monsieur Desteyrac. À vingt pas, briser la canne sur laquelle je m'appuyais pour me faire perdre l'équilibre et me faire choir, c'est un véritable exploit ! reconnut le jeune homme.
     
    – Nous apprenons le tir, à Polytechnique. Mais c'est noble à vous d'avoir tiré en l'air, reconnut Charles.
     
    – Il vous reste à chacun une balle. Voulez-vous continuer, messieurs ? interrompit Carver, rappelant le protocole.
     
    Charles et Malcolm échangèrent un regard puis, ensemble, visèrent l'océan et déchargèrent leurs armes.
     
    – La querelle est donc vidée, mes amis. Descendons chez moi. Poko a toujours du champagne au rafraîchissoir, proposa le major, soulagé.
     
    – Je vous offrirai une autre canne, Malcolm, lança Desteyrac.
     
    – Du champagne, certes, mais pas de canne. Dorénavant, je m'en passerai. Offrez-moi seulement votre bras et allons ensemble retrouver la douloureuse dignité de vivre, conclut l'honorable boiteux.
     
    1 Né à Mâcon en 1713, mort à Paris en 1800. Il est aussi l'inventeur d'un poêle hydraulique et d'une méthode pour peindre les miniatures, appelée endorique.
     

4.
     
    Le jour de juillet où le Centaur revint de Caroline du Sud sans Ottilia, ce fut un beau remue-ménage à Cornfield Manor. Le rapport du capitaine Philip Rodney mit Simon Leonard en fureur. On entendit rugir le lord et claquer les portes. Pibia, l'intendant, qui le premier essuya la colère du seigneur de l'île, conseilla aux servantes et aux valets de ne pas se trouver sur le chemin du maître, qui s'en prit même à Duke, son chien préféré, le jugeant soudain « trop lécheur pour être franc ».
     
    Après cet ouragan domestique, peut-être afin qu'il y eût un témoin de

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