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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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mètres.
     
    À Paris, l'Académie des sciences avait produit un rapport favorable à l'innovation, mais les ingénieurs des Ponts et Chaussées, qui travaillaient sur un projet de pont métallique, n'avaient pas non plus retenu celui de Paine. En Angleterre, l'accueil avait été en revanche plus enthousiaste. L'assemblage de Paine avait été breveté sur ordre de George III, roi magnanime qui voulut ignorer que cet inventeur de pont était aussi un zélateur de l'indépendance des colonies anglaises d'Amérique, et que l'auteur de Common Sense l'avait qualifié de « brute royale » dans son pamphlet. En 1790, on avait inauguré à Paddington, sur la Tamise, un pont métallique de soixante-dix mètres de portée, construit sur les plans de Thomas. L'inventeur, redevenu révolutionnaire, se trouvait alors à Paris, où, pour avoir bien soutenu le nouveau pouvoir républicain, il avait été fait citoyen français et nommé membre de la Convention.
     
    Au sortir de ces réminiscences, Desteyrac estima que par un juste retour des choses le sort offrait à un ingénieur français l'occasion de lancer, entre deux îles britanniques voisines des Amériques, un pont de fer original. Charles dédia aussitôt son projet à Armand-Vincent de Montpetit, artiste inventeur plagié et oublié ! Il était près de minuit quand Poko vint prévenir Charles que lord Simon et le major Carver l'attendaient au manoir.
     
    Il trouva les deux amis devant des bouteilles de porto vides, ce qui obligea Cornfield à en demander une autre dès que le visiteur apparut. Carver adressa un clin d'œil rassurant au Français, qui déposa, sur le guéridon où trônaient les flacons, dossier et dessins. Cornfield n'y prêta aucune attention et poussa devant l'ingénieur une boîte de cigares, tandis que le major emplissait les verres.
     
    – Merci. Plus tard, peut-être, dit Charles, repoussant les havanes.
     
    – Allons, allons, ne faites pas la mauvaise tête. Vous le ferez, votre pont ! dit le lord, les yeux mi-clos.
     
    – J'ai à peu près convaincu lord Simon de la qualité de votre nouveau projet. Inutile de sortir vos plans, il nous fait confiance, dit Carver, moins éméché que son vieil ami.
     
    – Projet meilleur que l'autre, certes. Ce pont-là me plaît. Mais, soit dit entre nous, pas besoin d'être ingénieur pour comprendre qu'en déplaçant le pont d'une centaine de pas à l'ouest, on le met à l'abri de cette sacrée bousculade des vagues folles, hein ? lança Cornfield d'une voix pâteuse.
     
    Charles comprit que le major avait développé devant son ami les avantages du nouveau site, ce qui expliquait la réflexion sentencieuse du lord. Le maître de l'île ignorait tout de la résistance des matériaux, des tables de logarithmes, des termes techniques dont usaient les pontonniers, mais il tenait à montrer une capacité de jugement innée et infaillible, parce que aristocratique.
     
    – Heureux que vous ayez aussi bien compris la situation, lord Simon, dit Charles en adressant un regard complice au major.
     
    – Et pas besoin de demander son avis à Lamia, comme vous le faites trop souvent. Ne vous fatiguez pas, monsieur Destorac. Ici, je suis partout chez moi, et le seul qui commande ! tonna Cornfield du ton péremptoire que donne parfois l'ivresse.
     
    – Je ne puis guère l'oublier, monsieur, dit Desteyrac, amusé par le fait que son interlocuteur avait suffisamment bu pour estropier son nom et affirmer encore une fois un droit de propriété que nul ne contestait.
     
    – Voilà qui est parlé. Et qui vous permet, Monsieur l'Ingénieur, d'avancer sans plus tarder dans la réalisation de votre projet, commenta le major avec un sourire indulgent pour son ami.
     
    – Vous allez me faire un pont comme les Américains voudraient en avoir. D'ailleurs, j'inviterai des gens de Charleston et de Boston pour l'inauguration. Au fait, combien de temps vous faut-il ? demanda le lord, rasséréné.
     
    – Je vous en parlerai dans quelques jours. Maintenant que j'ai votre accord, je dois établir les plans définitifs, déterminer la quantité et la variété des matériaux, préparer les commandes d'outils, recruter des ouvriers. À ce propos, j'aimerais disposer encore de Thomas O'Graney…
     
    – Vous pouvez utiliser Tom et engager autant d'Indiens que vous voudrez. Demandez donc aussi à Colson de vous envoyer des matelots du Centaur ou du Phoenix . Ils n'ont rien à faire qu'à vider des

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