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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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démence.
    – Et c’est tout ?
    – C’est tout ce que j’ai pu comprendre, monseigneur. »
    Roland fit quelques pas silencieusement.
    Puis, revenant à Juana :
    « Il ne peut plus rester ici, dit-il.
    – Je le crois aussi, dit Juana en pâlissant.
    – Dis toute ta pensée, mon enfant, reprit Roland d’une voix très douce et en fixant son regard sur les yeux de Juana.
    – Celui qui est venu peut revenir, dit-elle en baissant la tête.
    – Et alors ?…
    – Peut-être, alors, s’en prendrait-il au doge comme il s’en est pris une première fois à la jeune fille…
    – Mais tu serais là pour le défendre…
    – Monseigneur !…
    – Je suis sûr que tu frapperais cet homme du coup mortel s’il avait l’audace de revenir ici…
    – Monseigneur !…
    – Eh bien ?…
    – Je le frapperais, car j’ai juré de vous rendre votre père sain et sauf, mais je me frapperais ensuite. Demandez à Scalabrino pourquoi je parle ainsi… »
    Juana prononça ces derniers mots d’une voix défaillante et se couvrit le visage. Elle ne pleurait pas. Mais de rapides frissons l’agitaient.
    « Pauvre Juana ! pauvre petite Juana ! » songea Roland en fixant sur la jeune femme un regard d’infinie compassion.
    Il lui prit les mains.
    « Tu aimes donc bien cet homme !… murmura-t-il. Sais-tu qu’il a voulu tuer Scalabrino ? »
    Elle ne répondit pas.
    Un tressaillement plus fort indiqua seul les déchirements de son cœur.
    « C’est un grand malheur », songea Roland.
    Il reprit :
    « Je vais conduire mon père en lieu sûr. Tu y seras toi-même à l’abri, mon enfant… Ma sœur bien-aimée, je respecte ta douleur et ton amour… Mais laisse-moi te guider… pars avec mon père… »
    Juana le regarda en face.
    Une douloureuse résolution se lisait sur son visage. Roland fut frappé de la pâleur et de l’amaigrissement de cette figure.
    « Monseigneur, dit Juana d’une voix calme et comme si ce qu’elle allait dire eût été arrêté depuis longtemps dans son esprit, monseigneur, pardonnez-moi… j’attendais votre retour… pour vous dire…
    – Parle, ma sœur bien-aimée, parle sans crainte… ose tout me dire, car, quoi que tu me dises, je te garde une reconnaissance qui ne finira qu’avec ma vie.
    – Monseigneur, je ne puis rester auprès de votre père… monseigneur, pardonnez-moi, il faut que j’aille à Venise…
    – Voilà ce que je redoutais », murmura Roland.
    Et à haute voix, il continua :
    « A Venise !… Eh bien, soit, tu y viendras avec moi… avec Scalabrino… avec tes deux frères qui t’aiment… qui te défendront, te protégeront… »
    Juana secoua la tête.
    « Il faut que j’aille seule à Venise, dit-elle.
    – Pour le revoir, n’est-ce pas ? demanda très doucement Roland.
    – Pour le défendre, monseigneur.
    – Contre moi ? contre Scalabrino ? »
    Elle tordit ses mains dans un geste d’angoisse confinant à la folie.
    Et sanglotante, éperdue, elle balbutia :
    « Puissé-je mourir de mille morts plutôt que de porter la main sur vous deux… sur vous, qui êtes tout ce que j’aime et vénère au monde. Puissé-je être foudroyée si une pensée criminelle m’anime jamais contre vous !… Mais il est, lui, le cœur de mon cœur, la pensée d’amour qui m’a fait palpiter depuis que ce cœur est capable d’aimer… Je pressens, je vois de sinistres événements… Ah ! vous êtes grand et fort, monseigneur. Dans votre âme, vous avez déjà pardonné à Sandrigo. Vous avez résolu de l’épargner… pour m’épargner moi-même. Je le vois dans vos yeux. Sandrigo n’aurait rien à redouter de vous… mais…
    – Achève, Juana… parle… car mon cœur est en harmonie avec toutes tes paroles. »
    Juana fit un effort, sécha les larmes qui brûlaient ses yeux.
    « Oui, continua-t-elle, tandis qu’un frisson convulsif l’agitait, il faut que je répande toute ma pensée à vos pieds. Oh ! j’ai longuement réfléchi pendant les dix mortelles journées qui viennent de s’écouler. Je vois ce qui va arriver comme si déjà était accompli le drame que je redoute… Vous épargnerez Sandrigo, monseigneur, vous ferez cela pour l’amour de moi, je le sais. Mais lui ne vous épargnera pas. Fatalement arrivera l’heure où vous serez forcé de l’immoler. C’est cela que je veux empêcher… oh ! à tout prix… La seule pensée que Sandrigo et vous seriez en présence me glace et

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